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François n’eut pas d’hésitation : il savait dans quel lieu découvrir les Onnontagués. D’une seule traite en pleine nuit, il atteignit les îles du lac Saint-Pierre. Avec leurs pointes propices à l’embuscade, leurs postes de campement et de relâche, leur gibier, leur poisson, le labyrinthe de leurs chenaux, elles retenaient tout parti de guerre pendant quelques jours.

D’abord blotti dans une îlette du centre, François avait entendu les coups de feu révélateurs ; au travers des jonchaies et des moyères, il s’était rapproché durant une partie de la journée. Puis il avait dormi. Vers minuit, il s’était rembarqué. Son canot flottait maintenant en silence sur l’un des plus larges chenaux. Dressés sur chaque rive, les arbres se courbaient à une grande hauteur, joignant presque leurs cimes, ne laissant qu’une lézarde irrégulière semée d’étoiles. La berge s’élevait d’une douzaine de pieds ; puis s’aplatissait le sol alluvial, uni comme table, d’où jaillissaient les hampes massives ; une humidité montait de la futaie. Un ours bougea dans le fourré ; à l’avant, un chevreuil taillada d’un sillage le miroir de l’eau, noir, mort et pointillé de quelques étoiles. Bientôt le chenal émit une vapeur fine comme une bouilloire sur le feu.

François ne se hâtait plus. Il avironnait, le mousquet chargé à son côté, un couteau de chasse à la ceinture. Une anse courba le rivage à gauche : François enraya l’élan du canot en laissant sa pagaie traîner dans la boue. Il distingua les poupes de trois canots tirés sur la grève. Il étudia les lieux.

Il aborda, laissant son canot loin des autres, la pince à peine appuyée sur le rivage. Auprès, il déposa son mousquet. Il s’avançait avec patience, avec lenteur, avec souplesse, laissant ses yeux s’habituer à l’obscurité plus profonde. Des tisons