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dans ses souliers de cuir, sans semelle, comme s’il ne pouvait s’arrêter.

— Tu reviens de loin.

— Moi ? Oui, assez. Québec. Je devais m’assurer d’une nouvelle, maman. Je savais ton inquiétude, mais il le fallait, maman.

— Une mauvaise nouvelle ?

— Oh ! toujours la même chose : les Iroquois. Divisée en plusieurs bandes, une armée a quitté leurs bourgs. Elle doit s’assembler à Roche-Fendue ou ailleurs. Attaquera-t-elle Ville-Marie ? Ou les Trois-Rivières ? Personne ne sait encore.

— Ils sont nombreux ?

— Nous ne les avons pas comptés bien sûr : mille, douze cents peut-être.

— Mais alors, François, c’est grave. Où prends-tu ces renseignements ?

— Un Iroquois a avoué à Québec.

— À quand l’attaque ?

— Dans quelques jours : la fin de mai, le commencement de juin au plus tard. Il faudrait avertir Pierre Boucher au petit jour ; moi, je dormirai sans doute.

Et comme Ysabau demeurait atterrée de ce danger nouveau, François l’encouragea.

— Mais non, petite maman, non, ne t’alarme pas d’avance.

— Plusieurs colons et soldats seront tués, c’est sûr.

Ysabau pleurait encore de fatigue, d’insomnie. Quand jouirait-on de quelque repos, d’un peu de paix ? De sécurité surtout ? Ne se reposerait-on jamais de ces alarmes et des mêmes atroces nouvelles : captures, supplices, tueries ? Elle sanglotait appuyée au bout de la table.

— Nous sommes en sûreté dans le fort ; ne te tourmente pas, maman.

Membru, maigre et hâlé, François dégageait l’optimisme.