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les opiniâtres

maison familière dont ils connaissent tous les réduits. Ils ignorent jusqu’à quel point nous sommes mal à l’aise dans cette sylve séculaire, sombre, mystérieuse, tapissée de troncs morts, de chicots, enchevêtrée dans ses sous-bois, impénétrable. Aussitôt que nous abandonnons la lisière, la panique envahit notre chair. Comment nous y aventurer, nous y battre, y subsister sans approvisionnements ? »

— Alors, toi François, que penses-tu de la paix ?

— Papa, si tu es faible, tous t’attaquent. L’Iroquois calcule toujours que demain, il pourra massacrer nos quelques douzaines de soldats et nous chasser.

— La paix ne durera pas ?

— Peut-être.

François dessina dans la neige une carte sommaire.

— Vois-tu, papa, les Iroquois supérieurs habitent ici. En naviguant sur le fleuve, ils atteignent Ville-Marie sans rencontrer d’ennemis en quatre ou cinq jours. Aujourd’hui, ils parcourent ce long trajet forestier pour se rendre chez les Hollandais ; ils sont attaqués en route. Alors, ils ont tout intérêt à lier amitié avec nous. Mais les Agniers, eux, vivent aux portes des factoreries hollandaises. Pouvons-nous les diviser, opérer un rapprochement avec les Iroquois supérieurs, moins vindicatifs ? Là, nous trouverions la paix.

Oui. Voilà. Les pères montaient la garde dans les forts investis ; mais les jeunes se mêlaient aux aborigènes : ils apprenaient le pays ; ils connaissaient les événements qui y survenaient, ils possédaient autant de renseignements que les interprètes à qui ils ressemblaient beaucoup. Entendant parler François, Pierre pensait à Jacques Hertel.

— Pourquoi cette paix soudaine cet été ?