Aucune émotion ne se dessinait sur le masque du visiteur.
— Nous ne pouvons pas beaucoup compter sur les dernières bandes d’Algonquins ou de réfugiés hurons.
— Évidemment, nous nous défendrons avec nos seules forces.
— Les soldats supporteraient joyeusement les périls s’ils espéraient des secours prochains ; dans un an, par exemple. Nous sommes abandonnés.
— Les amis de la Nouvelle-France saisiront la première occasion.
— Mais en attendant ? Passe encore pour ceux qui sont tués dans le combat, blessés : c’est le métier. Mais les captifs ? La torture ? Le supplice du feu ? Les ongles arrachés, brûlés ?
— Avec une garnison bien dirigée, avec des canons, des palissades en bon état, nous défendrons la place contre toute l’armée iroquoise.
— Croyez-vous ? Bien dirigée ?… Vous vous souvenez du combat où vous avez reçu votre blessure ?
— Pierre Boucher est d’une autre trempe.
— Pierre Boucher ? Un ancien donné des Jésuites ?
D’ordinaire, dans les conversations de ce genre, Pierre manifestait plus d’indécision et d’incertitude ; il admettait que la France fût acculée à une situation désespérée ; Ville-Marie et les Trois-Rivières couraient risque de destruction durant les prochains mois ; plus populeux, bien protégé par la force naturelle de son site, Québec tiendrait le coup. Pourquoi Pierre réagissait-il différemment aujourd’hui ? Pour repousser des communications n’attendant qu’un signe ? Empêcher la confidence de certaines menées ? Refuser l’excuse de défaillances futures ? Détruire les mobiles d’une panique ?
Le sergent Pierrotin partit. Pierre demeurait oppressé. « Certains sont désespérés, pensait-il ;