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les opiniâtres

rapide et vif qui paraît et ripostait durement. Pierre cria :

— Recule lentement.

Il s’était enfoncé dans le taillis et quand l’Iroquois fut vis-à-vis de lui, d’un coup de savate il l’envoya plonger dans les broussailles. En une seconde, le Sauvage s’était relevé, et il détala dans le fourré.

Ramassant mousquet et arquebuses, Pierre et Ysabau coururent à la maison.

— Pierre, appelle les voisins.

Au même moment retentit la détonation du canon du fort et le tocsin sonna, grêle et saccadé.

Ysabau entra dans la maison. Elle s’adossa au mur ; puis s’appuyant au passage sur le dossier d’une chaise, sur la table, elle atteignit le lit où elle s’étendit de tout son long. Et comme si quelqu’un l’eût soudain délié, son cœur se mit à battre, à battre… Elle tentait de le comprimer avec douceur, d’en ralentir les pulsations folles. Puis les muqueuses de sa gorge, de sa bouche devinrent sèches, rêches, comme si elle eût souffert de la soif ; et l’air ne voulait plus passer et atteindre les poumons.

Elle demeura seule dans le silence. Parfois, elle entendait le glissement de mocassins sur le sol, car les hommes veillaient au dehors. Une bouffée de brise chaude lui caressa la figure. L’un des chiens tendit son museau au-dessus du châlit, et regarda. Par la fenêtre, Ysabau entrevoyait un coin de fleuve, deux troncs d’arbres. Peu à peu diminua son besoin de respirer longuement, et subitement elle s’endormit.

Trompant la surveillance de Pierre, le petit François entra beaucoup plus tard, et il répétait tout bas : « Maman, maman ».

Ysabau se réveilla. Elle embrassa la frimousse qui se levait vers elle avec tendresse.

— Tu as dormi, maman ?

— Oui, j’ai dormi.