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les opiniâtres

Une partie des hommes massacrés, les Iroquois ont dépecé les cadavres, lancé les morceaux dans une chaudière, ils les ont fait bouillir, ils les ont mangés. Ils ont garrotté des prisonniers et des prisonnières. À l’une des étapes du retour, ils l’ont attachée à un arbre, elle, Koïncha ; sous ses yeux, ils ont mis l’un de ses enfants à la broche, l’ont fait rôtir à petit feu, l’ont dévoré. Deux autres bébés ont subi le même sort. Ils ont assommé des vieillards, des femmes qui ne marchaient pas assez vite. À la tête d’un rapide, Koïncha a vu une étendue d’eau libre, noire entre la neige blanche, avec des remous ; elle s’est jetée dans la mare. Ils l’ont repêchée. Au premier village iroquois, son mari a subi le supplice du feu en compagnie d’autres Algonquins, Koïncha est devenue esclave avec une trentaine d’autres. Elle n’avait qu’une idée : fuir, même au risque de mourir de faim.

Habitué à des événements pareils, Jacques Hertel avait parlé sans emphase. Mais Pierre et Ysabau demeuraient interdits devant l’atrocité de la guérilla iroquoise. Le danger les avait frôlés encore une fois : « la première bande s’est dirigée vers les Trois-Rivières », avait dit Koïncha. Pierre et Ysabau ne se regardaient pas ; ils ne parlaient pas. Après le départ d’Hertel, ils demeurèrent longtemps silencieux. Koïncha dormait sur le dos, plus immobile qu’une morte. Et, battue par les rafales, la pluie criblait les feuillages et le défriché.