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diaire, Montour accède maintenant à Lenfesté ; il combine tous les arrangements avec lui. Et lorsqu’il sort de la chambre du facteur, il voit Malaterre, assis, désemparé, auprès de la cheminée. Il marche toujours jusqu’à lui, il lui donne de grandes tapes amicales dans le dos.

— Alors, ça va, vieux frère ?

Malaterre ne comprend rien à cette exécution sommaire où les engagés, eux aussi, n’ont vu que du feu. Mais un mouvement de recul instinctif sourd de sa chair.

Nicolas Montour ne bouge point ; il se tient rivé aux tâches qu’il s’est fixées tout d’abord. Mais pourtant l’impatience bout dans ses veines ; Louis Cayen est disparu. Le lendemain même de l’arrivée, abandonnant trois ou quatre hommes sur le rivage, sous une tente, il s’est enfoncé sous bois et n’est pas revenu. Montour est bien informé, car il a fait construire une guérite sur une éminence dominant le cap des Petits, et un veilleur s’y tient de jour et de nuit.

— Où peut-il être allé ? demande-t-il à Lenfesté.

— Intercepter les tribus indiennes avant qu’elles se soient trop éloignées, établir le contact.

— Oui ? Je vois… Il veut leur donner des crédits avant leur départ ?

— Probablement… Les tribus ont passé à notre fort avant votre arrivée ; elles retournaient à leurs territoires de chasse…

— Aura-t-il du succès auprès d’elles ?

— Qui sait ?

La patience de Montour est mise à rude épreuve. Il surveille la pêche, mais à tout instant, il visite la guérite : Louis Cayen est-il revenu ? À mesure que les jours passent, il apprend que des naturels ont visité le fort ennemi et sont repartis avec des marchandises. D’autres reviennent au fort Providence, quémandent des avances plus généreuses, des prix plus élevés ; ils menacent, en cas de refus, de porter leurs fourrures à la factorerie des XY.

Ces symptômes se multiplient chaque jour. Louis Cayen

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