Page:Desrosiers - Les Engagés du Grand Portage, 1946.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la baie d’Hudson. J’ai toujours demandé la conciliation avec les Petits, moi. Mais nos succès présents voilent la situation : la Compagnie de la baie d’Hudson est à trois cents milles des territoires de la chasse, nous en sommes éloignés de deux mille milles…

Le Bancroche avait perdu sa jovialité. Il montrait une figure sérieuse et dure ; mais dans ses yeux étrangement pâles une lueur profonde brillait.

— La fusion avec les Petits ou la guerre… La fusion est impossible ; alors… Ils sont les plus faibles : il faut les mettre hors de combat les premiers. Nous réussirons, oui, nous réussirons. Mais après, après…

Tom MacDonald se tait. Il ne raconte pas ses conversations avec Simon McTavish, le Marquis ; ses interventions dans les délibérations ; tous ses efforts pour empêcher cette lutte. Mais il n’avait rien obtenu : la haine personnelle de McTavish et d’Alexander Mackenzie formait un obstacle indestructible à son plan de coalition. « À n’importe quel prix, empêcher les XY de pénétrer dans Rabaska », voilà la consigne qu’il avait reçue. Et il saurait l’exécuter.

Montour comprend bien tout maintenant : les fûts de liqueurs alcooliques, l’augmentation du nombre des engagés, le choix d’hommes forts, l’abondance des marchandises de traite, la haine contre les rivaux qui gonfle le cœur des engagés.

Rien, aucun trait de sa physionomie ne bouge. Nul ne pourrait deviner la joie dont cette entrevue l’a gonflé. Il sait enfin ce que l’on veut en haut lieu et ce que l’on projette… Il possède les renseignements nécessaires pour faire cadrer son action individuelle avec le programme général de la Compagnie.

Et cette entrevue l’a rapproché de Tom MacDonald. Avant, il demeurait malgré tout le subordonné. Pendant quelques instants, il s’est élevé au rang d’ami… Minutes brèves, minutes annonciatrices que celles où il a reçu des confidences d’une telle portée.

[ 59 ]