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même qui le courbe vers eux. Un rayonnement de bonheur illumine sa figure s’il peut les approcher. Cette admiration inconsciente leur plaît et elle lui ouvre dans leur cœur la source d’une chaude sympathie.

Mais l’attraction disparaît si ces mêmes hommes subissent quelque revers ; puis elle renaît, plus puissante que celle du soleil, s’ils rebondissent avec un nouveau succès.

Aussi Montour fait-il rapidement la conquête du métis, esprit court et borné. Quelques jours de fréquentation, et leur amoralité commune a conclu un pacte qui durera.

Mais celui auquel Montour songe constamment, c’est le Bancroche. Il parle de lui au guide et aux contremaîtres qui l’ont connu.

— Le Bancroche, il dit : « Si je t’ai nommé contremaître, ce n’est pas pour être contremaître moi-même. »

— Oui ?

— Puis il dit encore : « Si tu perds une alêne au portage à la Perdrix, que restera-t-il dans ton canot au portage à la Loche ? » Un Écossais. Ne rien égarer, ne rien voler, choyer chaque ballotin avec autant de sollicitude qu’un enfant, voilà le chemin de son affection.

Quand Tom MacDonald rejoint la brigade spéciale au portage des Bois Blancs, il la trouve aux prises avec les maringouins. Sa tente n’est pas plutôt élevée que les plaintes jaillissent de partout : des voyageurs sont malades, des embarcations ne tiennent plus l’eau, des pièces sont endommagées.

Le Bancroche lui-même souffre de la chaleur et des insectes ; son long voyage l’a épuisé. Mais il retrouve sa bonne humeur et des plaisanteries pour ranimer les cœurs défaillants, encourager les engagés dans leur long martyre. Plus loin, sur les rivières plus larges et les lacs bien ouverts, le tourment diminuera et il y aura des heures de répit. Mais, en attendant, il puise avec scepticisme dans sa pharmacie portative, des lancettes, des remèdes, tout un assortiment de drogues et d’orviétans qui inspirent la confiance.

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