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— Les engagés sont mieux disposés ? interroge le guide.

— Oui, un peu. Le passage du Marquis les a calmés.

— Et François Lendormy ?

— Je vous l’ai déjà dit : il n’aime ni les chefs, ni la compagnie. Chaque homme pourrait vous répéter ses paroles aussi bien que moi.

Les mots durs de Simon McTavish ont énervé le guide. Avant de les entendre, il n’avait jamais pensé que la situation fût bien grave. La fatigue inspire des plaintes, rien de plus naturel ? Mais à quoi des doléances semblables riment-elles ? Il en avait entendu bien d’autres ; quelques mots de bon sens et tout rentre dans l’ordre.

Mais Cournoyer se croit maintenant obligé d’observer certaines précautions.

— Montour, si vous le vouliez… Je vous ai observé : vous connaissez tous les engagés, vous causez avec chacun ; nul ne connaît mieux leurs sentiments… Il faut que la brigade soit au Grand Portage à temps : aucun coup de tête ne doit la retarder… S’il se produisait d’autres signes de mécontentement, de désobéissance… Quand on les connaît tout de suite, on intervient : mieux vaut prévenir que guérir… Devant vous, ils parlent librement.

— Oui, je comprends. Pourtant, si les engagés apprenaient…

— Nous serons discrets. D’un autre côté, la Compagnie vous manifesterait sa reconnaissance… Je dois vous présenter à Simon McTavish, n’est-ce pas ? Si je pouvais ajouter que vous n’avez cessé de me rendre des services, tout le long du voyage ? Vous voyez… Au Grand Portage, nous dédoublerons les équipages. Et votre emploi, comme brigadier ou gouvernail, à votre choix, est tout indiqué.

— La promesse que vous me faites ne manque pas d’importance, concède Montour ; mais j’attendrai longtemps l’échéance. Et je ne suis pas fort, vous le savez ; rien n’est plus dur que de porter deux pièces dans les portages ; et si je n’en portais qu’une, je serais moqué par les hommes…

Les bras croisés sur la poitrine, le regard oblique, Nicolas

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