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— J’ai parlé de ton affaire à plusieurs bourgeoys ; je crains que des difficultés ne s’élèvent.

— L’hiver passé, j’avais accepté le poste le plus dangereux dans tout le Nord-Ouest. Vous n’auriez trouvé personne pour se rendre au lac de la Rivière Rouge, vous le savez.

— Je comprends, mais les bourgeoys n’osent agir. Il me paraît impossible de te donner satisfaction tout de suite.

— Oui ? Alors, je…

— Tu retourneras à Montréal ?

— Ah, non ! J’ai appris le commerce des fourrures. C’est pour y rester.

La menace est directe, le Bancroche connaît son homme. Montour joue le tout pour le tout ; s’il n’obtient pas ce qu’il demande, demain il sera à l’emploi des Petits. Son jeu est dur, sans sentimentalité ; jamais il ne laisse l’amitié ou la bonté intervenir. C’est un engrenage où les dents de fer entrent dans des dents de fer.

Montour produit sur Tom MacDonald l’impression qu’il voulait produire. D’ailleurs, il le sait bien ; dans quatre mois, s’il n’a pas obtenu sa part, il ne la possédera jamais. La fusion se prépare. Une autre bataille plus rude pour le monopole des pelleteries se livrera plus tard peut-être entre les deux compagnies canadiennes unies et la Compagnie de la baie d’Hudson. Mais quand et dans quelles conditions ? Et le nouveau chef sera-t-il animé d’aussi bonnes dispositions envers Montour que McTavish ?

Par l’intermédiaire de José Paul, de Guillaume d’Eau, de Lelâcheur, des rumeurs insidieuses tombent dans les bonnes oreilles : Nicolas Montour a reçu des Petits des offres mirobolantes ; il les acceptera si les Bourgeoys ne lui donnent satisfaction.

Ces derniers tiennent bon ; chacun d’eux protège un frère, un cousin, un neveu pauvre qu’il voudrait pourvoir. Si l’union a lieu prochainement, la Compagnie n’aura plus besoin d’hommes comme Montour : le commerce reprendra son ancienne

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