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serait encore plus menacée dans les districts pelletiers ordinaires ? Vos méthodes sont plutôt dures pour les concurrents. Vous avez beaucoup d’ingéniosité. D’ailleurs la Compagnie est à la veille de reconnaître vos services ; vous ne voudriez pas briser votre avenir de cette façon ? Voyez M. Henry. Avant votre départ, j’aurai des choses à vous dire. Puis, je suis sûr que vous pourriez entraîner une équipe par là, choisir des engagés qui vous suivront… n’est-ce pas ?

Montour ne s’illusionne guère : la Compagnie le récompensera, mais le plus tard possible. Sur la route qu’il parcourt vers le succès, elle entasse les difficultés.

Montour accable le Bancroche de ses récriminations. Il ira à la Rivière Rouge mais à la condition d’obtenir des promesses plus précises.

Simon McTavish n’est pas un sentimental lui non plus. Il sait ce que représentent en sous les fourrures de surcroît que Montour a enlevées aux rivaux et transportées au fort. Et surtout il apprécie à sa juste valeur un homme qui sait livrer si habilement de dures batailles ; les adversaires de la Compagnie du Nord-Ouest seraient vite hors de combat si celle-ci comptait beaucoup de serviteurs du même calibre… Alors, il faut le garder à tout prix.

Mais en même temps, McTavish n’a jamais rien accordé, sauf à la dernière minute, sauf après avoir obtenu en retour tout ce qu’il pouvait. Il promet donc à Montour, pour l’an prochain, l’une des seize parts… si celui-ci, tout d’abord, rapporte une belle cargaison de castors du lac de la rivière Rouge, et si…

— Montour, partout où vous allez vous amenez avec vous le même groupe d’hommes ?

— Oui.

Montour est tout de suite en éveil, l’attention alertée pour saisir les nuances de la pensée.

— José Paul, Philippe Lelâcheur dont vous m’avez parlé, Louison Turenne… Turenne ? C’est bien cela.

— Oui.

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