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on ne voit plus que deux trous noirs dans la blancheur de la plaine.

Montour s’occupe aussitôt à évacuer ses trop nombreux pensionnaires. Il prête des vivres, des munitions et des vêtements. Les voyageurs des Petits, de la Compagnie de la baie d’Hudson, après des adieux sans joie, se replient sur d’autres factoreries de leur Compagnie, à l’île à la Crosse, à l’île Cumberland.

Montour reste seul avec ses hommes. Quelques jours s’écoulent et le bourgeoys en charge du district arrive du fort Augustus. Il questionne Montour.

— Maintenant, les pelleteries des deux forts ont-elles été brûlées ?

— Les fourrures ? Oui, je suppose.

Le bourgeoys jette sur son subordonné un long regard incrédule.

Mais Montour regarde le feu flamber autour des bûches ; courbé, il semble abattu.

— Je vous assure : il s’en est fallu de peu… Nous avions une centaine d’hommes dans notre fort, et ils nous ont attaqués quand même…

— Oui ?… Vous avez besoin d’autres marchandises, je suppose ?

— J’allais vous envoyer un courrier. Les Indiens arriveront bientôt avec les fourrures accumulées pendant l’hiver. Tous devront nous les vendre, à nous, je suppose…

— Je vous enverrai d’autres marchandises alors… Montour, attendez-moi, au printemps. Nous voyagerons de concert jusqu’au Grand Portage : c’est plus prudent.

Et ses yeux obliques regardent Montour impassible.


Hommes et femmes n’ont plus de répit. Du matin au soir, ils emplissent des sacs de peau de bison, avec quarante livres de viande séchée et pulvérisée et cinquante livres de saindoux bouillant ; puis ils cousent et laissent refroidir. Ils scient des ais, forgent des clous, construisent de grands chalands ; ils

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