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des Pieds-Noirs. Et l’ivresse les rend loquaces. Le commis les écoute d’une oreille attentive. Sous les poutres trop basses règne une chaleur étouffante ; la cheminée n’est qu’un ardent brasier. Tonneaux de balles et de poudre, piles d’ustensiles de cuivre, amas de couvertures, s’entassent en désordre à l’autre bout de la pièce.

Aussitôt qu’il en a le loisir, le commis avertit Montour. Celui-ci vient voir les Cris. Mais il est à peine arrivé, que des clameurs retentissent : une vingtaine de guerriers Pieds-Noirs demandent qu’on les passe dans le bac.

Montour devine vite l’objet de leur visite.

— Éloignez-vous, sauvez-vous ! dit-il aux deux Cris ; ne reparaissez point tant que ces Indiens seront ici.

Mais ivres, les Indiens refusent de bouger ; ils attendront leurs ennemis de pied ferme et se laisseront massacrer plutôt que de fuir. Mais Montour ne veut point que ce meurtre se commette dans sa factorerie : les Cris lui fournissent ses meilleurs clients.

— Emmène-les tous deux, crie-t-il à Turenne ; et cache-les bien.

Celui-ci les conduit dans la résidence de l’un des engagés ; il les enferme dans une chambre et les tient sous sa garde, prêt à mater toutes leurs résistances par la force.

Il était temps. Les Pieds-Noirs font irruption dans la factorerie, ils cherchent partout.

— Où sont, demandent-ils, les deux Cris qui ont volé une femme de notre nation ? Nous les avons suivis à la piste, et la piste conduit jusqu’au fort.

— Ils sont partis, répond Montour.

Les Pieds-Noirs se montrent incrédules. Ils accusent Montour de protéger la nation crise, de lui fournir plus d’armes et de munitions qu’à eux, de protéger des criminels. Ils le menacent de représailles. Enfin, ils se répandent partout et cherchent.

À la fin, pour apaiser ces guerriers dangereux, Nicolas Montour doit les conduire dans la maison des Indiens, fumer

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