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brigade spéciale de Rabaska dont le départ de Montréal s’est produit cinq jours plus tôt.

— Montour, mon petit crâble, une dernière fois, baisse la tête, courbe-toi si tu ne veux pas te casser le cou, crie Bombardier avec impatience à l’un des milieux. Comprends que ton chargement te tire en arrière et que tu vas tomber à la renverse si tu ne te penches pas en avant.

Le froid envahit les membres du brigadier, l’un des bouts ; il grelotte. Le déchargement prend du temps parce que les hommes ne connaissent pas bien leur métier. Et Bombardier qui se souvient des portages enlevés au pas de course, dans un bel ordre, par les voyageurs expérimentés, grommelle et donne des instructions.

Jean Cournoyer, le guide ou chef suprême, n’est pas satisfait, lui non plus :

— Non, non, crie-t-il aux brigadiers ; le débarquage prend trop de temps, nous n’arriverons jamais.

— Ce n’est pas la force qui leur manque, répond Bombardier, mais le tour… Tous, des novices.

— Si nous avions au moins un équipage expérimenté pour leur servir de modèle…

Mais déjà Cournoyer n’écoute plus ; il est disparu, mais on l’entend crier là-bas, tentant de remettre un peu d’ordre dans ce chaos : « Plus vite, plus vite, que l’on finisse avant la noirceur. »

— Montour, il n’apprendra jamais, continue Bombardier ; la première chose, il est trop faible ; puis il semble gourd et maladroit comme une femme.

— Louison Turenne exécute la moitié de son travail.

— Pourquoi l’ont-ils embauché, celui-là, les Bourgeoys ? Dans les bureaux, voilà quelle était sa place s’il est, comme on le dit, le cousin du grand Montour.

Nicolas Montour constitue l’exception, dans cette brigade, la plus belle qui ait jamais remonté la Grande Rivière pour les Pays d’En-Haut.

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