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III

LA SASKATCHEWAN



AU fond de la baie ruisselante de soleil, les portes du fort sont ouvertes ; cette fois, au lieu de rester sur la grève, avec la foule des hommes du Nord et des mangeurs de porc, Montour pénètre dans l’enceinte avec le bourgeoys ; il s’installe à côté des commis et des interprètes. Un involontaire sourire décrispe sa bouche, ses lèvres minces, si serrées d’ordinaire, ses traits immobiles et sans joie.

Il se promène dans ce nouveau domaine, et, autour de lui, il entend les exclamations flatteuses :

Alors, on a eu une bonne petite bataille avec Louis Cayen ? On s’est amusé, paraît-il, au Grand lac des Esclaves, l’hiver passé ? Il n’y avait qu’à ramasser les fourrures, à ce que chacun dit ?

La nouvelle de ce conflit joué comme une partie d’échecs, dans les règles, se répand dans tous les coins du fort. Et commentaires, sourires, exclamations, félicitations, donnent à Nicolas Montour une idée exacte de l’étendue et de la mesure de son exploit, de l’impression qu’il fait sur les associés.

Voilà, tout va bien, de ce côté-là. Il faut veiller à monnayer maintenant ce premier succès. L’état général des affaires de la Compagnie le permet-il ? Tom MacDonald ne cache pas sa pensée, il n’y a qu’à l’écouter.

— La Compagnie de la baie d’Hudson et surtout les Petits sont presque ruinés maintenant. Mais la Compagnie du Nord-Ouest, comme je le prévoyais, n’a réalisé que bien peu de bénéfices ; elle paie les fourrures trop cher ; elle donne trop de cadeaux aux Indiens ; elle établit des factoreries à trop d’endroits ; son personnel est trop nombreux, et surtout elle