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IROQUOISIE

réparé ce crime avec bien de la difficulté. Et Champlain ajoute : « … il ne faut parmi tels gens qu’un tel coquin, pour faire rompre toutes sortes de bonnes entreprises ». Aucune organisation policière ou judiciaire, soit chez les Algonquins, soit chez les Iroquois, ne réprime de tels abus de la liberté individuelle ; et les particuliers peuvent impunément agir contre la volonté et les sentiments de la majorité. C’est un point important qu’il ne faut pas oublier.

Une notation très brève de Champlain indique plus tard que ces négociations sont couronnées de succès. Le 25 juillet 1624, il signale en effet l’arrivée d’une barque des Trois-Rivières qui apporte de bonnes nouvelles. Nonobstant le meurtre commis par Simon, six ambassadeurs iroquois se sont en effet présentés aux Trois-Rivières, à la date indiquée. Ils sont venus expressément « pour confirmer l’amitié avec tous les sauvages »[1]. L’Iroquoisie avait jugé que l’acte d’un particulier ne devait pas retomber sur la nation.

Et voilà la sobriété avec laquelle Champlain annoncera ce grand événement. Il n’ajoutera pas un mot aux phrases citées plus haut. Pourtant, c’est la première pause dans le conflit qui, depuis 1570, dresse Algonquins, Hurons et Iroquois les uns contre les autres ; les Français sont partie à ce traité, ils ont pris aux négociations une vaste part ; l’accord a probablement aussi des sous-entendus commerciaux d’une vaste importance. Mais Champlain s’en tiendra à ces sèches paroles. Il faut les commenter et dire que « amitié avec tous les sauvages », implique nécessairement la paix non-seulement avec les Algonquins, mais encore avec les Hurons.

Chrestien Le Clerq n’a pas imité cette sécheresse. Il est venu à la fin du même siècle avec un tel luxe de détails et une telle abondance de renseignements, qu’on s’est pris à douter de ses sources. Il révèle en effet que c’est Champlain lui-même qui avait envoyé, durant l’hiver 1623-4, le père Joseph Le Caron, compagnon de Sagard, chez les Algonquins de l’Outaouais et les Hurons. Il lui aurait confié une mission diplomatique, celle de préparer ces tribus à la paix. Deux

  1. Œuvres de Champlain, v. 5, p. 130.