Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
IROQUOISIE

du nouveau monde ; aussitôt débarqués, les colons nouent des liens commerciaux avec les tribus avoisinantes ; ils sont tous intéressés par la traite ; et peu à peu s’ébauche l’Amérique de demain, où les rivalités, les haines, des pays européens, s’introduisant dans les relations entre tribus indiennes, aggravant les inimitiés, consolidant les alliances, produiront l’Amérique de demain, sanglante et sordide, où les batailles livrées outre-mer se répercuteront dans de petits combats obstinés et féroces, des actions de forêt, et des supplices sans fin.

L’armée huronne se met en marche le 1er septembre 1615. Elle côtoie le lac Simcoe et y séjourne un peu. C’est de là que partent les messagers chargés d’annoncer aux Andastes le lieu et la date du rendez-vous. Étienne Brûlé se joint à eux. En compagnie de douze Indiens, naviguant en deux canots, il commence un long voyage qui est l’une des plus extraordinaires aventures de cette période féconde en odyssées de cette sorte.

Les Hurons s’avancent alors vers le pays ennemi. Ils traversent le lac à l’Éturgeon, descendant les rivières Otonabee et Trent ; ils sortent de la forêt à la baie de Quinté, sur le lac Ontario. Champlain découvre le second des Grands Lacs. Il explore tout l’Ontario central, où les terres sont fertiles, la forêt belle et plaisante. Mais ici encore, il se trouve, comme dans le Québec, en une zone neutre dépeuplée, dévastée par la guerre entre Algonquins et Iroquois « Tous ces pays, dit-il, ont été habités au temps passé des Sauvages, qui depuis ont été contraints l’abandonner pour la crainte de leurs ennemis »[1]. Quand Champlain écrit sauvages, pense-t-il aux Algonquins et Hurons ? Évidemment.

Par un immense détour, Champlain est maintenant revenu à peu de distance de l’île de Montréal ; s’il se laissait glisser en canot au fil de l’eau, il l’atteindrait en deux ou trois jours. Mais l’armée qu’il accompagne poursuit sa marche. D’île en île, elle franchit le fleuve au moment où celui-ci sort du lac. Elle aborde sur la rive droite en arrière de l’ancienne

  1. Œuvres de Champlain v. 3 p. 59.