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IROQUOISIE

accordera donc l’assistance militaire, pour « moyenner la facilité, dit-il, de mes entreprises et découvertures, qui ne se pouvaient faire en apparence que par leur moyen »[1]. Comment s’aventurer dans l’intérieur du continent sans le canot et sans les guides algonquins ou hurons ? Sans les avis et la protection de quelques amis sûrs ? Autrement, il faudrait une expédition armée jusqu’aux dents. Champlain a éprouvé lui-même sur la côte du Maine des mésaventures qui l’ont rendu prudent. Les naturels sont facilement hostiles. Les Indiens du Canada mettent leur assistance à un haut prix. Mais d’un autre côté, est-ce que le jeu n’en vaut pas la chandelle ? Champlain a déjà visité les vallées du Saint-Laurent, de l’Outaouais, du Richelieu. Cette fois, il atteindra les Grands Lacs. La possibilité d’un immense empire français se dessine dans son esprit. Il veut « jeter les fondements d’un édifice perpétuel »[2] ; il dira combien est grande son espérance d’aboutir par de pénibles travaux à un résultat qui dépassera les plus grands rêves. Il ajoutera ce qui suit : « Ce que je tiens pour certain selon les relations des peuples, et ce que j’ai pu conjecturer de l’assiette (du pays)… me donne une grande espérance, que l’on peut faire une chose digne de remarque, et de louange… » Et pour arriver à cette fin, Champlain est disposé à écouter ses alliés sauvages et à les « contenter par quelque moyen que ce soit… » Il ne recule pas devant les expressions énergiques ni devant la hardiesse des conceptions.

Champlain mentionne ensuite quelques motifs secondaires. Il veut donner aux Français l’amitié des tribus qui habitent les immenses vallées par lesquelles ils entrent dans le nouveau monde. Elles sont dispersées dans les territoires où des forts doivent s’élever, des colons défricher, s’établir, essaimer. Le pays appartient à l’Indien. Procéder sans son consentement peut entraîner des difficultés fatales. Toute l’histoire des établissements européens de l’Atlantique indique combien cette politique était sage : elle est en effet remplie du récit des démêlés et

  1. Œuvres de Champlain v. 3 p. 32.
  2. Idem, v. 3 p. 14.