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IROQUOISIE

Ces promesses obtenues, les Algonquins s’ébranlent pour venir immédiatement à la traite. Quarante canots suivent bientôt le canot de Champlain ; et cette flottille en rejoint bientôt une seconde de soixante ; et une escadrille de vingt nouveaux canots formera l’avant-garde. La nouvelle a couru l’Outaouais comme un feu dans la paille.

Champlain constate combien ces Indiens mènent une existence tremblante. À une douzaine de lieues en aval de l’île des Allumettes, quelques-uns d’entre eux rapportent qu’ils ont aperçu quatre embarcations iroquoises. La nuit vient. Les hommes dorment sur le rivage, les femmes, dans les canots. Un peu avant l’aube, l’un d’eux rêve que l’ennemi attaque ; il pousse des clameurs, il se lance dans la rivière. Instantanément, c’est une folle panique. Tous se jettent à la nage, un Français avec eux. D’autres Indiens qui dormaient plus loin, arrivent à la rescousse ; ils distinguent leurs compatriotes dans l’eau, ils ne découvrent aucun ennemi, et ils s’étonnent. Un éclat de rire termine l’incident. À la chute de la Chaudière, les Algonquins accomplissent le sacrifice du pétun pour s’assurer la protection du dieu contre leurs ennemis ; ils ne s’aventurent pas hors des chemins, car les Iroquois « les surprennent là : ce qu’ils ont quelquefois fait »[1]  Après une seconde alerte à l’entrée du lac des Deux-Montagnes, le convoi aborde à l’île de Montréal. Mais dans l’île même, une panique se produit encore la nuit. Les Français doivent monter la garde et aller en reconnaissance.

Tous ces incidents, en même temps qu’ils révèlent l’étendue du conflit, son ancienneté, indiquent que le combat de 1610, n’a pas mis fin à la guerre ; celle-ci se poursuit, tien que personne n’en raconte les épisodes. Champlain peut aussi constater que les tribus iroquoises sont une menace beaucoup plus grave pour la route des fourrures, qu’il ne l’avait cru en 1603. Ce n’est pas le secteur seul de Sorel qui est exposé à leurs attaques ; c’est en plus celui de Montréal et de tout l’Outaouais. L’ennemi est dangereux car sur des centaines et des centaines de milles de solitude,

  1. Œuvres de Champlain v. 2, p. 302.