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IROQUOISIE

aperçoivent le Français et font halte. Ils bandent leurs arcs. Mais dans le même moment, Champlain épaule son arquebuse où il a placé quatre balles. Il tire le premier, il tue deux des chefs et en blesse un troisième à mort. Les Algonquins redoublent leurs clameurs. Des flèches volent. Deux Français s’étaient glissés dans la forêt avec quelques compagnons ; et maintenant ils tirent à leur tour ; le quatrième chef iroquois mord la poussière. C’en est trop cette fois, la panique saisit l’armée iroquoise ; elle lâche pied, elle fuit dans la forêt, l’ennemi à ses trousses. Elle perdra une douzaine de prisonniers et nombre de morts.

Pendant trois heures, les Algonquins pillent les maïs, les farines, les cadavres de l’ennemi. Ils chantent et ils dansent. Puis ils s’embarquent et après avoir pagayé pendant huit lieues, ils se gîtent pour la nuit. Alors commence le supplice affreux des prisonniers. Les Algonquins en choisissent un, le brûlent avec des brandons, lui arrachent les ongles, le scalpent, lui laissent choir sur le crâne, goutte à goutte, de la résine bouillante, lui grillent le bout des doigts, lui percent les bras au poignet, tirent et arrachent les nerfs… Champlain examine avec stupeur cette cruauté sans nom. Il manifeste son mécontentement à ses alliés, il tue le malheureux d’un coup d’arquebuse. Mais le cadavre à peine tombé par terre, les Algonquins se précipitent sur lui, lui coupent les membres, donnent le cœur à manger à un autre Iroquois prisonnier. « Voilà comme ces peuples se gouvernent à l’endroit de ceux qu’ils prennent en guerre : et mieux vaudrait pour eux mourir en combattant… » C’est une cruauté d’homme primitif enflammée par des rancunes héréditaires.

Champlain abandonne le lac. Mais cette même année 1609, un anglais, Hudson, au service des Hollandais, entrera dans une baie qui s’ouvre bien au sud sur l’Atlantique. Lui, il remontera vers le nord, par une rivière dont l’axe est absolument le même que celui du Richelieu ; sur la carte, on dirait un même trait droit qui part de New-York pour aboutir à Sorel,