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IROQUOISIE

dans une grande abondance de venaison. La discorde éclate dans le détachement. Nombre d’indiens ont amené femmes et enfants ; leurs canots portent des marchandises de traite ; ils ne peuvent s’aventurer ainsi en pays ennemi ; ils retournent chez eux. Diminuée des trois quarts, la troupe remonte la rivière. Des pins énormes chargent les rivages ; noyers et chênes préfèrent les îlots. Voici le bassin de Chambly qui s’entoure de prairies naturelles. Champlain explore le portage. La barque ne peut remonter les rapides. La plupart des Français craignent de s’aventurer plus loin ; deux seulement accompagnent leur chef.

Champlain navigue maintenant dans le canot d’écorce algonquin ; il vit à l’indienne. Bientôt les chefs font une revue. Il reste à peine soixante guerriers. Ce détachement se divise en trois corps ; l’arrière-garde qui chasse pour nourrir les hommes ; le centre qui est toujours sous les armes ; l’avant-garde qui cherche des traces de l’ennemi. À deux ou trois jours du pays des Agniers, le détachement se regroupera en une seule unité ; il n’avancera plus que la nuit ; le jour, il dormira au profond de la forêt, pétunera, se nourrira de sagamité. Des sorciers accompagnent le parti. Chaque soir, l’un d’eux érige une cabane ; et « tout le peuple est autour de la cabane assis sur leur cul comme des singes ». Il se contorsionne, écume, prophétise. Enflammés par ce jeu, les chefs entraînent les guerriers dans des clairières ; ils enfoncent dans le sol des bâtonnets qui représentent des soldats ; chacun occupe sa place dans une bataille imaginaire qui se livre sous les yeux des assistants ; à chacun de ceux-ci est assigné un rôle qu’il doit se rappeler au début du prochain combat. Après cette leçon de stratégie, tous dorment dans un fortin érigé pour la nuit. Jamais une sentinelle n’est postée nulle part.

L’armée poursuit sa route. La rivière est paresseuse et large ; des îles défilent, lourdes de gibier, de prairies, de forêts. Le lac s’ouvre soudain. Dès le premier abord, Champlain voit quatre îles longues « qui autrefois ont été habitées par les sauvages,