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IROQUOISIE


(1646)

Le 18 mai, Jean Bourdon et le père Isaac Jogues quittent le fort Richelieu en compagnie des quatre ambassadeurs iroquois. Pour le jésuite, c’est retourner au lieu où il a subi d’atroces tortures. Cependant « il fût plutôt prêt qu’on ne lui eût fait la proposition. » Les Algonquins lui conseillent de ne pas parler de religion au début, car c’est un sujet rebutant. Quelques uns d’entre eux sont du voyage et portent une cargaison de présents.

En passant, le missionnaire baptise le lac Saint-Sacrement. Le quatre juin, les voyageurs arrivent à Fort Orange où habite Arent van Corlaer que le jésuite veut remercier pour avoir favorisé son évasion. Il y reçoit un accueil cordial. Le six juin, il est à Ossernenon, bourg qui a été témoin d’une partie de son supplice. Mais dans l’intervalle, le premier juin, comme le groupe était à la recherche de porteurs, il rencontre parmi des pêcheurs iroquois, la petite Thérèse de Marie de l’incarnation : « Le père lui parla en particulier, l’interrogea, l’instruisit et l’exhorta à prendre courage, le temps de sa délivrance étant venu, parce qu’il portait sa rançon que nous envoyions à cet effet…, on était obligé de nous la rendre par le traité de paix ». Thérèse avait conservé la foi, « elle priait Dieu tous les jours…, elle serait ravie de retourner avec nous… »[1].

Le père Jogues reçoit une excellente réception. Pendant deux jours, la foule se presse autour de lui ; « ceux qui avaient autrefois maltraité le père n’en faisaient plus aucun semblant ». Le grand conseil a lieu le 10 juin. Sachems et capitaines sont présents. Dans le silence qui se fait le missionnaire parle à titre d’orateur des Français. Il explique les présents qu’il apporte de la part de Montmagny : une bande de cinq mille grains de nacre demande la libération du français, une autre de même quantité, la libération de la petite Thérèse ; le clan du Loup en reçoit un de 3,000 grains pour tenir allumé un feu de conseil pour les Français. Puis le père Jogues parle pour les

  1. Marie de l’incarnation, Écrits spirituels et historiques, v. 4, p. 158