Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/337

Cette page a été validée par deux contributeurs.
339
IROQUOISIE

L’un d’eux grimpe à la galerie comme un écureuil, il trouve deux Hurons endormis ; il fend la tête à l’un d’un coup de hache, il précipite à bas le second et ses compagnons le scalpent. Puis tous déguerpissent si vite qu’on ne retrouve pas leurs traces.

Trois Hurons décident de venger cet affront. Après une marche de vingt jours, ils atteignent Sonnontouan, le bourg le plus peuplé de la tribu du même nom. Ils y pénètrent. Toutes les cabanes abritant de huit à dix ménages sont fermées. Ils pratiquent une ouverture dans le mur d’écorce de l’une d’elles. C’est le milieu de la nuit. Ils rallument tous les feux de l’allée centrale. Quand la pleine lumière régne, chacun des trois héros choisit son homme, l’assomme, le scalpe. Ils mettent ensuite le feu à la cabane. Pendant la panique qui saisit la bourgade, ils s’échappent avec tant d’adresse que neuf cents guerriers qui les poursuivent immédiatement, ne réussissent pas à les capturer. Et ce seul fait montre combien, dans ces immenses forêts, il était facile d’exécuter des surprises et de se dérober ensuite.

Cette guerre produit maintenant quelques spectacles nouveaux : un Huron converti harangue ses compatriotes prisonniers, en faveur de la foi, pendant que l’un d’entre eux subit le supplice. Une veuve facilite le baptême d’un captif. Au fond se continue la lutte âpre et sourde entre les Hurons chrétiens et les Hurons païens ; elle aboutit parfois aux pires extrémités ; par haine religieuse certains Hurons trahiront leurs compatriotes et les Français.

Quelques uns se lassent de ces dangers continuels. Ils cherchent activement des refuges pour vivre dans la tranquillité. À l’automne 1645, par exemple, le père de Brébeuf fait un voyage de cinq à six jours ; il atteint un lieu nommé Tangousen « où quelques cabanes de Hurons se sont réfugiées pour y vivre plus à couvert des incursions des Iroquois : car c’est un pays écarté et entouré de tous côtés de lacs, d’étangs et de rivières, qui font ce lieu inaccessible à l’ennemi »[1].

  1. Idem, 1646-76