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IROQUOISIE

gnent une trahison. À Montréal, les Français se tiennent étroitement sur leur garde ; ils « ne marchaient jamais qu’armés, dit Dollier de Casson, et sur la défiance ; Ils allaient toujours au travail et en revenaient tous ensemble au temps marqué par le son de la cloche… »[1]. M. D’Ailleboust profite du répit pour « parachever les fortifications du fort de ce lieu qu’il réduisit à quatre bastions réguliers, si bons que l’on n’en a point vu encore de pareils en Canada »[2]. Sous l’optimisme officiel coule un flot de soupçons, d’appréhensions, de défiances. L’auteur de la Relation de 1646 dira même que la paix est un miracle de Dieu, que lui seul en peut être le « conservateur », que les hommes sont impuissants.

Cependant, les Agniers tirent immédiatement parti du traité. Ils ont besoin de pelleteries, et ils profitent de l’accalmie, pour en trouver. « En second lieu, comme ils sont chasseurs et que la plupart des animaux sont sur les marches des Algonquins, ils ont une passion d’en tirer à leur aise et sans crainte : en effet ils ne s’y sont pas épargnés ; car on dit qu’ils ont tué plus de deux mille cerfs cet hiver »[3]. Dans la zone neutre, l’île de Montréal et ses environs forment maintenant une espèce de jardin zoologique : la chasse « est excellente en ces quartiers, à cause que les animaux pendant la guerre, étaient comme en un pays neutre, où les ennemis ne battaient ni la campagne ni les bois »[4]. La même Relation ajoute encore ce qui suit : « … Il n’y a lieu en tous ces quartiers où on n’aie vu de temps en temps quelques Agniers »[5]. Un Iroquois avait encore dit aux Trois-Rivières : « Tout le pays qui nous sépare est rempli d’ours, de cerfs, d’élans, de castors et de quantité d’autres bêtes… »[6]. Les Agniers tirent donc des bénéfices importants du traite, ils chassent non seulement dans la zone neutre, en paix, mais encore sur les marches, c’est-à-dire dans les territoires des Algonquins.

Les Agniers, les jeunes gens surtout, fréquentent volontiers Montréal. Ils causent avec les Algonquins et les Français. Le père Jogues est là. Il sait la langue

  1. Dollier de Casson, Histoire du Montréal, p. 59
  2. Idem, p. 59
  3. RDJ, 1646-6
  4. Idem, 1646-34
  5. Idem, 1646-4
  6. Idem, 1645-32