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IROQUOISIE

Les projets de stabilisation des tribus canadiennes refleurissent avec éclat. Après les derniers orages, les Indiens ne pensent plus qu’à une oasis, qu’à un lieu de retraite bien protégé. Sillery offre un modèle. L’attention se reporte sur l’île de Montréal. Le Borgne de l’île et un autre grand capitaine « s’étaient résolus de demeurer là, d’y passer l’hiver et d’y planter du blé d’inde au printemps… »[1]. D’autres sauvages « dont les ancêtres ont autrefois habité l’île de Montréal, et qui semblent avoir quelque désir de la reprendre pour leur pays, tinrent ferme »[2]. D’autres les imitent. Ce sont les Algonquins de l’Outaouais qui veulent se grouper là. Des souvenirs les ramènent vers l’archipel stratégique. « Un vieillard âgé peut-être de 80 ans, s’est retiré à Montréal : Voici, dit-il, mon pays, ma mère m’a raconté qu’étant jeune les Hurons nous faisant la guerre, nous chassèrent de cette île, pour moi j y veux être enterré auprès de mes ancêtres »[3]. Atironta, le chef huron, remonte le fleuve après avoir passé l’hiver à l’hôpital de Québec, et « ayant vu la beauté des blés d’inde de Montréal, a pris résolution d’aller quérir sa famille, et d’en amener encore une autre pour y venir faire leur demeure »[4]. Les missionnaires conçoivent alors des espérances : « … Si la crainte des Iroquois supérieurs et quelque mauvais génie ne les fait remonter en leur pays, il est à croire qu’ils composeront avec le temps, s’ils sont secourus, une petite Église pleine de piété »[5].

Les projets reçoivent aussi un commencement d’exécution. Le journal des jésuites contient en effet la précieuse indication suivante : sur la fin d’avril 1646, « les Sauvages se mirent puissamment partout à travailler à la terre ; ils firent de nouveau à Sillery plus de quinze arpents de terre ; aux Trois-Rivières, plus de 30 familles sauvages se mirent à cultiver ; idem à Montréal ; les Français de leur côté n’en firent pas moins »[6].

Décimés, déracinés, les peuples de la coalition laurentienne sont inclinés vers les plans des missionnaires. La Relation même de 1646 contient une

  1. RDJ, 1646-34.
  2. Idem, 1646-34.
  3. Idem, 1646-40.
  4. Idem, 1646-41.
  5. Idem, 1646-36.
  6. Journal des Jésuites, p. 43-4.