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IROQUOISIE

tiennent en face ; quelques Hurons et Français se rangent à droite et à gauche afin de former un espace un peu plus long que large. Attachée à deux perches, une corde se balance sous le poids de dix-sept colliers ou bandes composés de 30,000 grains de nacre à chacun desquels une signification symbolique est attachée ; quelques minutes plus tôt, les Agniers portaient encore ces colliers sur leur personne ou dans un sac qu’ils ont déposé à côté d’eux.

Kiotsaton est l’un des bons orateurs de sa tribu. Il a pu, au cours de maints conseils, perfectionner ses dons innés. Il se lève donc. Il a devant lui tout un vaste espace pour circuler, gesticuler, parler, chanter ; car il chante parfois, et ses compatriotes mêlent leurs voix à la sienne. C’est un mime bien doué et il anime toutes les scènes qu’il raconte. Il a le parler fier d’une tribu qui vient de remporter de nombreuses victoires et qui n’éprouve pas de crainte.

Kiotsaton présente les dix-sept colliers à chacun desquels est attachée une proposition particulière ; et c’est l’explication de ces propositions qui compose la harangue. Le premier est un merci pour la libération du prisonnier. Mais pourquoi l’avoir renvoyé tout seul ? Un accident aurait pu se produire, jamais personne n’aurait su ce qu’il serait devenu. Le second libère Guillaume Couture qui, malgré la situation qu’il s’était acquise, était toujours un captif. Par le troisième, Kiotsaton explique que les Agniers ont ajouté des présents à ceux que le Gouverneur-général envoyait aux Onneyouts, aux Onnontagués, aux Goyogouins et aux Tsonnontouans ; « et que ces présents avaient été distribués aux Nations qui leur sont alliées pour arrêter leurs haches, pour faire tomber des mains de ceux qui s’embarquaient pour venir à la guerre, leurs armes et leurs avirons »[1]. Le quatrième exprime l’indifférence dont l’orateur s’est cuirassé en passant à côté de l’île du lac Champlain ou Pieskaret a remporté sa victoire : « J’ai vu la place du combat où ils ont pris les deux prisonniers qui sont ici ; j’ai passé vite, je n’ai point voulu voir le sang répandu…, leurs corps sont encore sur la

  1. Idem, 1645-25.