Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
IROQUOISIE

cependant les campagnes y « sont très bonnes, et fertiles, et meilleures qu’en aucun endroit qu’ils aient vu : lesdits Iroquois se tiennent à quelque cinquante ou soixante lieues dudit grand lac ». Il y pousse « quantité de blé d’inde, et autres fruits qu’ils (les Algonquins) n’ont point en leur terre ».

Cette guerre obsédera Champlain jusqu’à la dernière minute. Au cours d’un rapide voyage à la baie des Chaleurs, il apprendra que par la rivière Saint-Jean, des Indiens de la Côte de l’Acadie conduisent des expéditions de guerre contre les Iroquois. Revenant de l’Île Percée à Tadoussac, il rencontrera les Algonquins qu’il a vus précédemment à l’embouchure du Richelieu ; las d’attendre l’ennemi, ils ont avancé jusqu’au lac Champlain ; ils y ont rencontré trois canots occupés par des Iroquois et ils ont remporté leur seconde victoire de l’année ; de nouveaux scalps s’ajoutent à ceux du printemps. Ces victorieux ont aussi une prisonnière qu’ils veulent torturer. Les Français obtiennent sa libération. Ils la conduiront en France de même que le fils de Tessouat et quatre autres Algonquins.

Champlain retourne dans sa patrie avec une idée nette du conflit qui sévit dans l’est du Canada. Il possède la carte des lieux. Il connaît la virulence de la guerre ; il sait les noms des antagonistes qui s’affrontent, leurs forces, les cases que chacun occupe sur l’échiquier. Comme il fait le voyage avec des marchands engagés dans la traite des pelleteries, pour des gens qui en ont fait leur négoce, il peut calculer les répercussions de cette lutte sur ce grand commerce ; il peut élaborer les mesures à prendre. Et si une colonie s’établit sur les rives du Saint-Laurent ? Les Algonquins se défendent énergiquement ; ils forment une race saine et forte. Mais ils sont les moins nombreux ; et déjà, dans ce fruit sauvage, est éclos un ver rongeur : « … Tous ces peuples pâtissent tant quelquefois, qu’ils sont presque contraints de se manger les uns les autres pour les grandes froidures et neiges : car les animaux et gibier desquels ils vivent se retirent aux pays plus chauds »[1]

  1. Œuvres de Champlain, v. 1. p. 110.