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IROQUOISIE

qui jamais n’avaient ouï parler de Dieu »[1]. Ils craignent les expéditions de guerre des Agniers l’hiver, lorsqu’ils sont à la chasse.

D’autres Algonquins viennent tournoyer autour de Sillery. Trente à quarante familles sont déjà établies là, à demeure, elles sont redevenues sédentaires, elles sont chrétiennes. Elles reçoivent des visites de plus en plus longues de leurs compatriotes. Les Algonquins de l’Île en particulier gravitent autour du village. Ceux-là, « quoique presque tous ruinés et réduits à rien, sont demeurés dans un orgueil étrange… »[2], ils écoutent les missionnaires mais demeurent dans leur paganisme.

Marie de l’Incarnation parlera également des trois cents Nipissings qui passeront l’hiver 1643-44 autour du monastère des Ursulines, n’osant retourner en leur pays d’où ils ont fui. Ils appréhendent des raids sanglants. Ils sont arrivés affamés. Marie de l’Incarnation écrit encore les paroles suivantes : « Nous avons eu cet hiver proche de nous la nation d’Iroquet et les Algonquins de l’Île. On les instruisait dans notre chapelle »[3].

Débris de hordes, ramassis de tribus que la guerre iroquoise a dispersés et qui errent, comme les Algonquins de l’île, sans savoir où se fixer, où se poser. Ils cherchent un abri, une protection.

Un événement d’une portée exceptionnelle a lieu dans le Canada central en 1643. Depuis longtemps déjà, les Neutres sont en guerre avec les Mascoutins ou Nation du feu : Champlain a noté le fait en 1615. Maintenant, ils lèvent une armée de deux mille guerriers. Et celle-ci va mettre le siège devant une puissante bourgade ennemie qui n’est cependant défendue que par neuf cents hommes. La résistance est énergique. Pendant dix jours, les Neutres n’enregistrent aucun avantage. Puis, soudain, ils pénètrent dans la place. Ils capturent huit cents prisonniers, hommes, femmes et enfants. Soixante-dix assiégés, choisis parmi les plus braves, subissent le supplice du feu. Les vieillards ont les yeux crevés. « Voilà le fléau qui dépeuple tous ces

  1. Idem, 1644-100.
  2. Idem, 1643-8.
  3. Marie de l’Incarnation, Écrits spirituels et historiques, v. 3, p. 352.