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IROQUOISIE

frontière du pays des Tsonnontouans et de se livrer, comme d’habitude, à la petite guerre, en attendant l’occasion de lancer une attaque plus sérieuse. Ils se mettent en route. Malheureusement, ils rencontrent un puissant détachement ennemi composé de huit cents guerriers. Comme leur nation se sent maintenant acculée à une lutte désespérée, ils ne reculent ni ne se dispersent dans la forêt. Ils se battent pendant toute une soirée et toute une nuit. Ils se font tuer l’un après l’autre ; ou, à bout de force, ils se laissent capturer. Pas un n’échappe.

Quarante personnes s’en vont cueillir une herbe, l’ortie sans doute ou le chanvre sauvage « dont ils font une espèce de fil à rets qui leur sert pour la pêche »[1]. Une vingtaine de Tsonnontouans les attaquent par surprise, la nuit ; ils massacrent les uns, prennent les autres captifs ; quelques-uns heureusement peuvent fuir.

D’autres tragédies se déroulent. Sur le midi, par exemple, une femme avec sa nièce, s’en va travailler dans son champ. Soudain, deux Iroquois surviennent « et à la vue de tout le monde se jetèrent sur elles à coups de hache, leur enlevant la chevelure, » et fuient avec tant de rapidité que personne les peut rejoindre.

Dans une lettre écrite au mois de mars 1644, le père Jérome Lalemant résume les misères de la nation huronne durant l’année 1643. Car la Relation de l’année 1642-3 est tombée entre les mains des Agniers, près de Montréal, au printemps ; ceux-ci l’ont transportée en leur pays où le père Jogues l’a lue. « La guerre, continue le père Lalemant, y a continué ses ravages ordinaires pendant l’été : les Iroquois ennemis de ces peuples ont bouché tous les passages et les avenues de la Rivière qui conduit à Québec »[2]. Les Hurons ont besoin de marchandises françaises ; ils ferment les yeux sur les dangers évidents de la route ; ils partent pour la Nouvelle-France, mais ils sont presque tous tués ou capturés. « Les autres pour la plupart sont retournés tout nus ou percés d’arquebusades, après avoir échappé

  1. RDJ, 1644-75.
  2. Idem, 1644-105.