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IROQUOISIE

pique ; plusieurs avaient des corselets, piqués et entrelacés de petits bâtons ; les autres avaient des boucliers faits de bois, il y en avait quelques uns qui avaient des arquebuses, tous avaient les pieds armés de bonnes raquettes… »[1].

Les guerriers s’éloignent. Une Algonquine les conduit : capturée sur l’Outaouais l’hiver précédent, elle s’est échappée depuis. C’est l’hiver, le froid, la neige, la forêt. Les Indiens chassent pour subsister. Mais la division se met une autre fois dans les rangs. Les chrétiens prient ; les païens consultent leur chaman. Les uns et les autres s’agglomèrent bientôt en deux groupes distincts qui se séparent, adoptent des routes différentes, et obéissent chacun à son chef.

La nuit, alors qu’aucune sentinelle n’est de garde, l’un des deux est surpris par les Agniers. Les Algonquins s’éveillent aux détonations des arquebuses et ils n’ont qu’une réaction : s’enfuir. Quatre d’entre eux perdent la vie dans ce bref engagement. Les onze autres se glissent dans la forêt ; ils sont mi-vêtus, ils n’ont plus d’armes. Ils se dirigent vers Montréal à marches forcées. Quelques uns se gèlent les pieds jusqu’aux os dans cette retraite précipitée. Enfin ils arrivent au poste. Ils y annoncent que la seconde bande, que commandait le célèbre Piescaret, avait certainement été massacrée : elle les précédait d’une demi-journée. Ils avaient même reconnu certaines armes entre les mains des Iroquois qui les avaient attaqués.

Quant à l’Algonquine, elle s’était échappée pendant la mêlée : « Elle n’avait ni bonnet, ni souliers, ni manches, ni bas de chausses : pour tout habit elle n’avait qu’un bout de couverture, qui à peine lui couvrait la moitié du corps contre le froid extrême. Elle marcha trente jours en cet état sur la neige, sans voir une étincelle de feu ; on ne sait ce qu’elle a pu manger durant ce temps-là »[2]. Enfin, elle sort de la forêt en face de l’habitation de Montréal ; elle demeure là six à sept jours, criant de temps à autre pour qu’on vînt la chercher. Enfin, elle part pour le fort Richelieu où elle arrive demi-morte.

  1. Idem, 1643-48-49
  2. Idem, 1643-49