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IROQUOISIE

montent la garde autour du campement ; les autres s’aventurent en forêt ; et là, ils rabattent vers les premiers, les orignaux et les chevreuils qui fuient devant les cris et les bruits. Un parti iroquois survient pendant l’opération. Il entoure le groupe qui est demeuré près du rivage et il le massacre ; puis il fuit avec les pelleteries. Quand les rabatteurs surviennent, ils projettent d’abord de poursuivre l’ennemi. Mais n’en connaissant pas le nombre, ils se désistent. Ils se partagent en deux bandes : l’une remontera l’Outaouais pour mettre sur leurs gardes les canots qui descendent ; l’autre se rendra aux Trois-Rivières pour dire aux Hurons qui voudraient remonter en Huronie « que les chemins étaient assiégés en divers endroits »[1].

Jusqu’à ce jour, les Agniers ont donc raflé les pelleteries des Algonquins de la Petite Nation, de quelques familles d’Iroquets, les marchandises françaises des Hurons qui remontaient avec le père Jogues, les fourrures d’une couple de flottilles huronnes de dix à douze canots chacune.

Un vent favorable s’étant élevé dans l’intervalle, le Gouverneur, M. de Montmagny, peut donner l’ordre à sa flotte de lever l’ancre. Il a appris la capture du père Jogues et que des bandes iroquoises rôdent dans les alentours. Les navires traversent le lac Saint-Pierre, côtoient les îles, et bientôt mouillent à l’embouchure du Richelieu. Aussitôt après l’arrivée, « on fait jouer les haches dans cette grande forêt ; on renverse les arbres, on les met en pièces, on arrache les souches, on désigne la place, on y dit la première Messe… Les canons retentissent, une salve de mousquets honore ces premiers commencements… »[2]. Les Français, semble-t-il, placent beaucoup d’espérance dans le poste militaire qui se construit là ; ils croient bloquer ainsi la rivière par laquelle les Agniers envahissent depuis longtemps la Nouvelle-France. La garnison pourrait refouler les invasions. Mais le fort s’érige dans la forêt où les Iroquois sont à l’aise ; ils peuvent l’éviter par un détour qui leur coûtera peu de fatigues.

  1. RDJ, 1642-50
  2. Idem, 1642-50