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IROQUOISIE

tenant tête à une trentaine d’Agniers. Mais au moment où ils veulent lier la bataille, ils découvrent sur l’autre rive un second parti de quarante Iroquois qui saute dans ses pirogues pour prêter main forte aux premiers. Ils perdent courage. Ceux qui sont à l’arrière tentent de s’enfuir. Goupil tient compagnie à quelques Hurons courageux. Il est capturé avec eux. Le père Jogues suit maintenant la bataille de la rive où l’ont abandonné ses conducteurs ; il pourrait facilement se couler dans les halliers et fuir. Mais son grand cœur repousse cette idée : il appelle l’un des Iroquois affectés à la garde des prisonniers et il se livre à lui. Il confesse et baptise les Hurons captifs. Ahasistari imite cet exemple de magnanimité ; il vient se livrer lui aussi quand il sait bien que les tourments les plus horribles lui sont réservés. Couture hésite ; il s’échappe, puis il revient pour ne pas abandonner ses compagnons. Sur la route du retour, il rencontre cinq Iroquois ; l’un d’eux le couche en joue et tire ; mais le coup ne part pas ; Couture tire à son tour et il tue son adversaire. Les quatre autres guerriers se saisissent alors de lui, ils lui enlèvent ses vêtements, ils lui arrachent les ongles, ils lui brisent l’extrémité de quelques doigts, ils lui percent une main avec une épée, ils le garrottent. Quand le père Jogues s’approche pour le consoler, les Iroquois le frappent lui aussi avec des masses d’armes, avec leurs poings, ils le renversent par terre, demi-mort, lui arrachent à son tour des ongles et lui mordillent le bout des doigts. René Goupil est bientôt victime du même traitement. La rage envahit les Agniers, parce que les Français « n’avaient point voulu accepter la paix l’année précédente avec les conditions qu’ils (les Iroquois) leur voulaient donner[1] ». Enfin, trois Hurons sont tués sur place au cours de cette échauffourée, vingt-deux sont capturés ; trois Français sont prisonniers de même que la petite Thérèse. Marie de l’Incarnation éprouve « de très sensibles croix » quand elle apprend cette dernière nouvelle. Elle établit à vingt-huit le nombre des captifs.

  1. Idem, 1647-19