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IROQUOISIE

des aléas infinis. Ce serait abandonner le certain, et le naturel, pour l’incertain et l’illogique.

Du moment que les Français prennent la décision de protéger leurs Alliés Indiens, ils doivent refuser les mousquets à tout prix. Les Iroquois s’en serviraient contre ces Alliés.

L’armée iroquoise échoue donc dans sa manœuvre. Malgré un grand déploiement de force, elle retourne en son pays emportant sans plus les ballots de fourrures qu’elle a volées aux Algonquins et aux Hurons. Ses négociateurs n’ont pas trouvé le moyen de ravitailler l’Iroquoisie en pelleteries d’une façon permanente. Quelle décision prendra maintenant ce pays ?

Les Français du temps ne paraissent pas avoir pénétré cet aspect de la question. Ils croiraient plutôt que ces Indiens viennent piller des pelleteries à plaisir. Ils ne signalent pas le besoin. Mais après l’échauffourée des Trois-Rivières, ils devinent que l’avenir ne leur réserve plus que la guerre. Ils sont sûrs que les Iroquois s’en prendront à eux autant qu’aux Algonquins et aux Hurons. Le père Paul le Jeune signale ce danger dans une lettre qui ouvre la Relation de 1641. L’œuvre de l’évangélisation fait de grands progrès, dit-il ; mais les démons « arment tous leurs suppôts tant qu’ils peuvent, pour détruire ce qui est si saintement commencé, pour ruiner la colonie française, et pour fermer toutes les avenues du salut à toutes ces âmes qui n’ont jamais ouï parler de Jésus-Christ »[1]. La Relation elle-même contient des passages plus énergiques encore. Parlant des Iroquois, voici ce qu’elle dit : « … En un mot, ils sont venus à tel point d’insolence, qu’il faut voir perdre le pays, ou y apporter un remède prompt et efficace. Si les Français étaient ralliés les uns auprès des autres, il leur serait bien aisé de maîtriser ces barbares ; mais étant dispersés, qui deçà, qui delà, naviguant à toute heure sur le grand fleuve dans des chaloupes, ou dans des canots, ils peuvent être aisément surpris de ces traîtres, qui chassent aux hommes comme on fait aux bêtes, qui peuvent offenser sans être quasi offensées, car

  1. RDJ, 1641-2.