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IROQUOISIE

puis les « habitants de Rensselaerswyck, qui comptent autant de traiteurs qu’ils sont de personnes »[1] conduisent ce commerce en marge de la loi. À l’été 1641, il n’a pas donné de grands résultats encore : les Iroquois présents aux Trois-Rivières, n’ont pas plus que trente-six arquebuses. Ils en veulent d’autres. C’est une volonté nationale ardente et forte. Elle est d’autant plus violente que l’épuisement des fourrures en leur pays se pose brutalement. Il leur faut ces armes européennes, soit pour chasser mieux, soit pour subjuguer les tribus qui font de belles récoltes de pelleteries, soit encore pour conquérir des territoires de chasse. En un mot, c’est la nécessité, partout mère de l’ingéniosité, qui leur montre le salut dans l’arquebuse ou le mousquet. Puis enfin, en 1641, les Agniers se sont déjà familiarisés avec les Européens, et ils n’éprouvent plus à leur égard les craintes d’autrefois. La capture de Marguerie et de Godefroy, leur armement nouveau, leur donnent de l’audace. L’affaiblissement mortel de la coalition laurentienne, à la suite des trois épidémies successives, le petit nombre des Français, ils sont au plus trois cents, leur ont certainement inspiré l’idée d’imposer leur politique à la Nouvelle-France par un mélange de force et de douceur.

Alors, ils arrivent sur le Saint-Laurent au nombre de cinq cents. Ils veulent avant tout des arquebuses. C’est le point qui ressort peut-être avec le plus de netteté. Le parti militaire en réclame ouvertement. La libération de Marguerie et de Godefroy, les présents multipliés, ne sont pour ainsi dire que des dons destinés à appeler ce don suprême, dans une surenchère que connaissent bien les mentalités primitives. Les offres de paix avec les Français que les Iroquois font ensuite semblent aussi fort sincères. Mais leur dessein est net : ils veulent une paix qui neutraliserait les Français. Ceux-ci se tiendraient dans leurs factoreries ; ils laisseraient se livrer autour d’eux, sans y prendre part, les batailles entre tribus indiennes ; ils ne soutiendraient plus les Algonquins et les Hurons. Leur rôle se bornerait à attendre les

  1. O’Callaghan, Documents relative to the Colonial History of the State of New-York, v. 1, p. 182.