Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
IROQUOISIE

Et Champflour promet quelques soldats intrépides. À la fin, les autorités abandonnent cette entreprise risquée. Peu après, un canot huron apportera la nouvelle que l’armée iroquoise a quitté le Saint-Laurent : les Hurons ayant été avertis de sa présence elle ne pouvait plus y piller de pelleteries. Son butin était mince.

Comment expliquer cette négociation compliquée, enchevêtrée, incertaine ? Elle a une grande importance, comme le signalent tout de suite les contemporains : la guerre ouverte suivra. Pour en trouver le secret, ne faut-il pas remonter en Iroquoisie ? Ce pays passe depuis une quinzaine d’années par une période d’expansion. La migration des Senhronnons, dans l’ouest, a permis aux Tsonnontouans de porter leur frontière tout près de la rivière Niagara. Par leurs victoires sur les Mohicans dans l’est, les Agniers ont atteint l’Hudson. Ils ont probablement cessé, depuis un an ou deux de payer des tributs à certaines peuplades de l’est ; ils se libéreront peu à peu de ce fardeau économique. Ils ont lié partie avec les Hollandais qui ont besoin de leurs fourrures et sont ainsi intéressés à fond dans leur survivance. Ils ont acquis quelques mousquets. Le journal of new-netherland explique toute l’affaire : « …Quelques uns d’entre eux en avaient d’abord reçu des Anglais »[1]. Ils avaient payé jusqu’à vingt peaux de castor pour chacune de ces armes ; et leurs munitions leur avaient coûté non moins cher. Ils connaissent la valeur de cet instrument de puissance ; leur convoitise est très forte. Ils veulent en avoir à Fort Orange : mais là, ils se heurtent à la défense de vendre sous peine de mort, des armes à feu et des munitions aux Indiens. Cette ordonnance date de 1639, mais la colonie de Rensselaerswyck en passera une, elle aussi, le 18 juillet 1641. La vente n’entraîne plus ici la mort, mais une pénalité de cent guilders et le rapatriement. Le document avoue que malgré les prohibitions antérieures, la vente des armes à feu s’est continuée. L’armement des Agniers en particulier, est donc en bonne voie. Les traiteurs libres, comme on les appelle,

  1. Narratives of New-Netherland, p. 274.