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IROQUOISIE

De Chaste, Pont-Gravé, l’ont tout probablement renseigné. Que lui ont-ils dit ? Que les Français pratiquaient la traite avec les Algonquins, que cette peuplade était engagée dans un conflit qui pouvait mal tourner pour elle, qu’il était urgent de l’assister ?

Anadabijou se lève pour donner la réponse de son peuple à la proposition du roi de France. Il parle du milieu de ses compagnons de guerre. Il connaît l’importance du moment. Il intercale des pauses entre ses phrases. Et bientôt il déclare aux siens « que véritablement ils devaient être fort contents d’avoir sadite Majesté pour grand ami, ils répondirent tous d’une voix, Ho, Ho, Ho, qui est à dire, Oui, Oui. Qu’il était fort aise que sadite Majesté peuplât leur terre, et fit la guerre à leurs ennemis, qu’il n’y avait nation au monde à qui ils voulussent plus de bien qu’aux Français ; Enfin il leur fit entendre à tous le bien et utilité qu’ils pourraient recevoir de sadite Majesté »[1].

Le chef algonquin accepte donc les propositions du Roi. Les mots, traité ou pacte verbal, paraissent prétentieux en l’occurrence ; mais les phrases précédentes indiquent à n’en pas douter un accord formel. Anadabijou laisse tomber l’offre du Roi de ménager la paix entre son peuple et les Iroquois ; il accepte franchement l’assistance militaire. Pourquoi les Français font-ils cette importante concession ? Parce que sans doute des intérêts importants sont en jeu : le commerce des fourrures, la fondation d’une colonie en Canada. Et les Français savent, dès ce moment, à quoi peut les engager un jour l’offre d’assistance militaire ; dans le moment, le conflit fait rage. Les Algonquins veulent le continuer ; mais ils sont les plus faibles, « craignent trop lesdits Iroquois, qui sont en plus grand nombre que lesdits Montagnais, Etchemins et Algonquins ».

Le conseil se termine bientôt. Ni Champlain ni Pont-Gravé ne se doutent que la politique qui vient de s’élaborer devant eux dominera le siècle qui s’ouvre et suscitera des événements d’une portée telle qu’ils auront un immense retentissement international.

  1. Œuvres de Champlain, édition Champlain, v. 1, p. 100.