Le Gouverneur-général agit sans retard. Il s’embarque dans une chaloupe armée qui s’en vient mouiller à portée de mousquet de la rive droite ; une salve de quarante coups d’arquebuse le salue. Deux canots iroquois viennent se ranger le long de la chaloupe ; Nicolet et le père Ragueneau s’embarquent aussitôt pour le camp ennemi.
Les Iroquois sont assis en rond, silencieux. Les deux Français s’assoient sur un bouclier ; Godefroy et Marguerie sont assis par terre et ne portent plus que des liens symboliques. L’orateur des Iroquois, Onagan, se lève. Par droit de guerre, dit-il, les deux captifs sont maintenant iroquois. « … Jadis, le seul nom de Français nous jetait la terreur dedans l’âme, leur regard nous donnait l’épouvante, et nous les fuyions comme des Démons, qu’on n’ose aborder ; mais enfin, nous avons appris à changer les Français en Iroquois »[1]. Les prisonniers ont appréhendé de mauvais traitements. Mais les Iroquois leur ont dit qu’ils recherchaient l’alliance des Français et qu’ils ne leur feraient aucun mal ; ils les ont traités comme des amis ; les autres tribus ont offert des présents pour leur libération. Et maintenant, ils sont ici, ils redeviendront français ; ou plutôt, « ils seront français et Iroquois tout ensemble, car nous ne serons qu’un peuple ». L’Orateur donne alors la main au père Ragueneau et à Nicolet, il les touche au visage, au menton ; « …Non-seulement nos coutumes seront vos coutumes, mais nous serons… étroitement unis… ». Après diverses cérémonies, il s’approche des prisonniers, brise leurs liens, les jette par-dessus les palis. Et il dit : « Que la rivière emporte si loin ces liens, que jamais il n’en soit de mémoire, ces jeunes gens ne sont plus captifs, leurs liens sont brisés, ils sont maintenant tous vôtres ». Puis saisissant une bande de grains de nacre, il la présente à Nicolet et à son compagnon : « Gardez pour un jamais ce collier, comme une marque de leur pleine et entière liberté »[2].
Une fois ces rites terminés, dans le plus pur style indien, Marguerie et Godefroy sont libres.