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IROQUOISIE

diverses tribus « se prêtent la main en leurs guerres », mais on n’en est pas autrement sûr.

C’est sur la fin de l’année 1640 que soudain le conflit qui menace depuis si longtemps se dessine en traits nets. Un parti de quatre-vingt-dix Agniers quitte l’Iroquoisie. Il longe les cours d’eau que suivent souvent les Indiens de la Nouvelle-France, dans leurs chasses. Il se partage. Un groupe rencontre des Algonquins au-dessus de l’île de Montréal. Il les capture et il les ramène prisonniers. D’autres guerriers viennent rôder au-dessus des Trois-Rivières. Deux jeunes Français, Thomas Godefroy et François Marguerie, ont quitté le poste le 20 février 1641, pour chasser dans les alentours. Le parti iroquois découvre leurs pistes et les suit sur la neige. Il les aborde la nuit en poussant ses cris de guerre. L’un des deux Français épaule son arquebuse pour tirer ; mais son arme fait long feu et il reçoit un coup d’épée dans la cuisse. L’autre Français se lève d’un bond et veut tirer son épée : il reçoit une flèche. Un Iroquois s’élance sur lui, il fait un faux pas, il tombe, et il est soudain à la merci de son antagoniste ; ses compatriotes n’osent bouger. Mais le Français sait que s’il tue l’ennemi qu’il tient à sa merci, il sera instantanément massacré de même que son ami. Il se désiste ; il laisse aller son adversaire. Il est alors garrotté de même que son compagnon. Mais l’ennemi ne leur arrache pas les ongles, il ne leur brûle pas les doigts. Il retraite aussitôt avec ces deux prisonniers, et en dix-huit jours, il atteint les bourgades.

Le temps s’écoule. Marguerie et Godefroy ne reviennent pas. La population des Trois-Rivières entre dans l’inquiétude. Quelques-uns vont en reconnaissance. Ils découvrent un chiffon de papier fixé à une perche ; ils y lisent les mots suivants : « Les Iroquois nous ont pris, entrés dedans le bois ». Ils pénètrent sous la haute futaie ; et sur le tronc d’un arbre dont l’écorce a été enlevée, ils lisent les mots suivants : « Les Iroquois nous ont pris la nuit, ils ne nous ont fait encore aucun mal, ils nous emmènent en leur pays »[1]. Quand ces nouvelles arrivent

  1. RDJ, 1641-39.