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IROQUOISIE

mis presque toujours ces deux causes sur le même pied. Voici un bon modèle des phrases qu’ils emploient, tant pour les Algonquins que pour les Hurons : « Ces bourgs et cabanes étaient bien autrement peuplés autrefois, mais les maladies extraordinaires et les guerres depuis quelques années en ça, semblent avoir emporté le meilleur, ne restant que fort peu de vieillards, fort peu de personnes de main et de conduite »[1].

Cependant les pertes militaires des Algonquins et des Hurons, pendant la période 1634-1640, ont été ridiculement basses à côté des pertes par les épidémies. Même en tenant compte des combats que les Relations n’auraient pas enregistrés, il est difficile d’atteindre à un total qui dépasse, pour toute la coalition laurentienne, le chiffre de six ou sept cents. Cette estimation est même généreuse. La paix a régné presque tout le temps entre les Hurons et les Tsonnontouans ; elle a régné quelques mois entre les Algonquins et les Agniers. Ces derniers ne venaient que bien timidement encore au Saint-Laurent. Puis cette guérilla, si incommode, cette « petite guerre », comme on dit, ne produit jamais qu’un chiffre bien peu élevé de victimes. Puis Algonquins et Hurons usent de représailles envers leurs adversaires. Ils sont victorieux autant de fois qu’eux ; ils leur infligent autant de pertes qu’ils en subissent.

Ce sont les trois épidémies survenant l’une après l’autre qui brisent l’équilibre ancien entre la Coalition laurentienne et la Confédération iroquoise. Elles emportent des milliers et des milliers de vies. La Huronie, avec les neuf ou dix mille âmes qui lui resteront, pourra maintenir la lutte pendant un certain temps encore ; mais elle ne se relèvera jamais du désastre, elle ne sera plus que l’ombre d’elle-même. Non seulement par la perte de population qu’elle subit, mais par l’ébranlement nerveux et moral qui en résultera. Cette nation se sent condamnée ; le fatalisme sourd en elle ; le sang-froid est désormais perdu ; la sagesse manque dans les conseils et les partis de guerre ; l’ingéniosité, la prudence, le courage

  1. RDJ, 1640-62.