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IROQUOISIE

nés »[1]. Les Jésuites observent ce fait avec une lucidité désolée : « … On l’a remarqué plus de cent fois, qu’où nous étions les mieux venus, où nous baptisions plus de monde, c’était là en effet où on se mourait davantage… »[2].

Depuis 1634, les Relations des Jésuites présentent, année après année, des moissons de phrases du même genre, soit pour les Algonquins, soit pour les Hurons. Il n’y a qu’à les isoler, qu’à les juxtaposer pour comprendre les conséquences de ces trois grandes épidémies qui, coup sur coup, frappent la coalition laurentienne. La médecine du temps, qui attendra encore Pasteur pendant deux siècles, ne connaît aucun moyen efficace de combattre ces fléaux. Et le peu de mesures prophylactiques que l’on connaît, les sauvages du Canada ne les appliquent pas. Les cabanes huronnes où plusieurs ménages vivent en commun, sont des foyers d’infection de premier ordre.

C’est la destruction des forces vives de la coalition laurentienne à laquelle l’histoire assiste pendant cette période. Algonquins et Hurons s’évanouissent pour ainsi dire devant une race européenne qui leur est sympathique, qui ne leur livre aucune guerre. Le simple contact, le simple mélange des populations sont suffisants. C’est un phénomène que la science médicale a observé plus tard. La seule présence de quelques blancs parmi des Indiens qui ne les connaissaient pas auparavant, les rend vulnérables à toute une série de maladies, particulièrement aux maladies des voies respiratoires. Ce résultat se marque bien dans les climats froids du nord où de nombreuses tribus disparaîtront l’une après l’autre sous le souffle empoisonné de la civilisation.

Les documents ne fournissent pas de statistiques sur les pertes des Algonquins qui sont terribles comme la suite le prouvera. Ils en apportent cependant quelques unes sur les pertes des Hurons. Plusieurs auteurs, comme le rapporte George T. Hunt, ont fourni en effet des chiffres approximatifs sur la population de la Huronie avant les épidémies de la période

  1. RDJ, 1640-55.
  2. Idem, 1640-55.