Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
IROQUOISIE

sa propre barque et part en chasse. La flottille vogue toute la nuit ; au matin, elle a traversé le lac Saint-Pierre, n’ayant entendu aucun bruit et n’ayant vu personne. Mais à ce moment, le vent tourne ; les embarcations doivent s’arrêter dans les îles. Plus tard, elles peuvent se rendre à l’embouchure du Richelieu, poste vers lequel les Iroquois se sont repliés. En avançant encore, les Français aperçoivent une fumée épaisse : « Alors chacun s’efforce de ramer avec violence, on se dispose à donner dessus ». Mais l’oiseau s’est envolé du nid. Il est parti la veille, livrant aux flammes les retranchements qu’il érige toujours en pays ennemi, au cours de ses incursions. Que faire ? « … De les suivre, c’est peine perdue, car leurs canots sont bien plus légers que nos chaloupes et que nos barques ».

Les Français descendent sur la rive. En 1636, quand monsieur Du Plessis est venu au confluent du Richelieu et du Saint-Laurent, il a érigé une croix. Cette année, les Iroquois, avant leur départ, ont décloué la planche du milieu ; sur ce bois rugueux, ils « avaient peint les têtes de trente Hurons, qu’ils ont pris »[1]. Et pour qu’on ne manque pas de le découvrir, ils ont suspendu cet écriteau à un arbre ébranché. Algonquins et Hurons examinent maintenant ces hiéroglyphes que tous les Indiens comprennent bien : « … Les divers traits faisaient paraître la qualité et l’âge des prisonniers… Ils avaient figuré deux têtes bien plus grosses que les autres, pour représenter deux Capitaines qu’ils tiennent entre leurs mains, dont l’un est ce brave Tarantouan… ; on y voyait aussi la tête de deux enfants, et de deux autres jeunes garçons, qu’on amenait au séminaire. Ils avaient fait des raies en forme de panaches, sur les têtes des plus vaillants. Toutes ces têtes étaient griffonnées en rouge, excepté une qui était peinte en noir, pour marque que celui-là avait été tué, et que tous les autres étaient comme des victimes destinées au feu… Nous connûmes par ces marmousets… le dégât qu’avaient fait ces infidèles, lesquels s’en allaient triomphants, chargés de quantité

  1. RDJ, 1637-91.