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IROQUOISIE

arguments et ils savent les choisir. Enfin, ils laissent un présent de peaux de castor.

Mais les Français n’ont aucune intention d’accorder les secours qu’on leur demande. Dès les premiers mots, leurs auditeurs peuvent le noter. À l’automne précédent, ils ne savaient pas que la guerre éclaterait, et ils n’ont pas demandé de soldats en France. Les Français du pays n’ont pas l’habitude de porter les armes. Des arguments s’échangent, des ripostes se donnent. La discussion suit le même sillon qu’aux Trois-Rivières : on parle de mariages entre Indiennes et Français, de conversion. La réponse définitive vient à la fin : « Pour ce qui concernait la guerre, on répliqua qu’on ne pouvait leur donner ni un grand, ni un petit nombre de Français : d’en donner un grand nombre, ils voyaient bien que la chose ne se pouvait pas faire, les vaisseaux ne se voulant pas dégarnir de leurs hommes ; d’en donner peu, nos Français ne voulaient pas aller avec eux, pour ce, disent-ils, que les Sauvages ne sauraient obéir, ni tenir pied ferme en guerre ; à la première fantaisie ils s’envolent comme des oiseaux…[1].

En un mot, les Algonquins, ni en Huronie, ni à Québec, ni aux Trois-Rivières, ne trouvent un accueil sympathique pour leurs projets de vengeance. Mais ils ne s’en tiennent pas là. Ils doivent se consulter de nouveau entre eux, et se consulter avec les Hurons à l’embouchure du Richelieu. Et c’est maintenant vers cet endroit que convergent les Hurons qui ont franchi le territoire des Algonquins de l’île, les Montagnais de Tadoussac et les Indiens de Saint-Laurent. Un missionnaire part par exemple en barque pour les Trois-Rivières ; il est rejoint par une flottille de douze canots montés par trente à quarante guerriers « qui sen allaient à la guerre ». Ils consultent leurs devins sur l’issue de l’incursion, ils prennent bientôt les précautions requises. Le 15 juillet, le général Du Plessis Bochart arrive aux Trois-Rivières ; un canot huron se présente en même temps et annonce la venue prochaine du convoi des fourrures. Les Français se réjouissent « car on nous avait comme assurés que les

  1. RDJ, 1636-61.