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IROQUOISIE

guerres »[1]. L’orateur demande qu’on écoute moins ses paroles que celles des veuves et des orphelins qui ont perdu leurs maris ou leurs pères. Si les Français n’interviennent point, il ne restera bientôt que des femmes et des enfants. Les guerriers se proposent d’aller mourir en Iroquoisie, là leurs capitaines ont été égorgés l’an précédent.

En face de la guerre de nouveau ouverte, les Algonquins des Trois-Rivières se tournent donc vers les Français et leur demandent, comme autrefois, l’assistance militaire. Ils croient que la présence de quelques soldats parmi eux fera des miracles. M. Gand n’emploie pas de fortes expressions pour rappeler aux Algonquins, les infidélités ou les dangereuses intrigues de La Grenouille et de ses compagnons. Il est plein de bénignité, mais quelques fines pointes indiquent que les Français ont bien enregistré le coup. Il se rendra, répond-il, à leurs désirs ; il parlera aux chefs qui dirigent la colonie ; « néanmoins… il craignait que ces capitaines n’eussent non plus d’oreilles pour ses paroles, que les Sauvages n’avaient montré d’affection pour les Français »[2]. Et il précise un peu plus loin sa pensée : « En troisième lieu, si les Capitaines me demandent si vous n’allez point voir l’Étranger pour vos traites, je ne sais ce que je leur pourrai répondre » Les vingt-trois Algonquins dont leurs compatriotes veulent en effet venger la mort, n’ont-ils pas été assassinés au cours d’une tentative faite pour ouvrir un commerce de fourrures avec les Hollandais ? Mais M. Gand ne pose pas brutalement la question. Il leur reproche de ne pas donner leurs filles comme épouses aux Français, de ne pas venir aux instructions des missionnaires, de ne pas se convertir : « Si vous eussiez fait cela dès notre première entrée dans le pays, vous sauriez tous maintenant manier les armes comme nous, et vos ennemis ne subsisteraient pas en votre présence ; vous ne mourriez pas tous les jours comme vous faites »[3]. Et ces mots indiquent que les Français ont donné des armes à feu aux Indiens qui se sont convertis, et sont devenus sûrs ; ou du moins qu’ils les leur donneront à ces con-

  1. RDJ, 1636-58.
  2. Idem, 1636-58.
  3. Idem, 1636-58.