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IROQUOISIE

Il est bien difficile d’assigner une date précise à cet incident. Il se produit probablement très tard à l’automne, peut-être même en décembre 1635. La paix entre Algonquins et Agniers-Onneyouts aurait duré onze mois, un an tout au plus. Mais pour en arriver à cette conclusion, il faut rapailler ici et là divers passages dans les Relations des Jésuites. Ils tournent tous autour d’une aventure de François Marguerie, l’interprète. Il est à l’automne 1635 chez les Algonquins de l’île des Allumettes. Il est alors âgé de vingt-deux ans. Et dans le plus froid de l’hiver, en compagnie de quatre sauvages, il entreprend un voyage de quarante jours, et il arrive en Huronie le 28 mars. Il a dû partir le 15 février. Le trajet est d’environ cent lieues. Et le soir, pendant que ses compagnons se reposent après la longue et fatigante marche du jour en pleine forêt, dans la neige, le jeune Marguerie, toujours de bonne humeur, prépare le repas, allume le feu, et exécute les autres petites besognes. Car le chef du groupe est le potentat de l’Outaouais, Le Borgne de l’île, deuxième du nom, qui n’est en odeur de sainteté ni chez les Hurons, ni chez les Français.

Mais pourquoi ce capitaine se rend-il en Huronie dans une saison ou d’ordinaire les Indiens eux-mêmes évitent de voyager ? « L’occasion de la venue des Sauvages de l’Île en ce pays des Hurons, était la mort de vingt-trois personnes que les Iroquois avaient massacrées nonobstant la paix Cette perfidie leur causait un grand désir de se venger »[1]. Ce passage fournit ainsi le nombre des compagnons de La Grenouille. De plus, on en peut conclure que si les Algonquins de l’île se donnent tant de mouvement pour les venger, c’est que, très probablement, plusieurs victimes étaient leurs compatriotes.

C’est tout un vaste projet que Le Borgne porte en ce moment dans son esprit. Il apporte vingt-trois présents ; il veut soulever non-seulement les Hurons mais encore les Nipissings qui hivernent près d’eux ; il se flatte que les Français lui prêteront main forte ; il croit que d’autres tribus algonquines fourniront

  1. RDJ, 1636-91.