Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
IROQUOISIE
« De plus si nous fussions allés ailleurs, ceux de ce

village eussent cru être encore en la disgrâce des Français, et eussent peut-être abandonné le commerce avec eux, vu mêmement que cet hiver dernier le Borgne de l’Isle a fait ici courir le bruit, que Monsieur de Champlain n’en voulait pas demeurer là, pour la mort de Brûlé, et qu’il demandait quatre têtes ; et il est croyable que si nous n’eussions été ici, et si nous n’y demeurions comme pour gages, (otages) plusieurs craignant d’être arrêtés, soit pour leurs fautes, soit pour celles d’autrui, ne retourneraient plus à la traite »[1].

Mais ces manœuvres secrètes ne sont rien en comparaison du troisième fléau, — les deux premiers étant les famines et l’alcoolisme —, qui frappe maintenant coalition laurentienne. Ce sont les épidémies. Elles seront beaucoup plus dangereuses que les deux autres qui font pourtant bien des ravages. Le père Le Jeune affirme en effet que « ces nouvelles boissons de vin et d’eau de vie qu’on leur apporte, dépeuplent leurs pays… Il est vrai qu’ils meurent en grand nombre, mais je m’étonne encore comme ils peuvent si longtemps résister… Depuis qu’ils se sont adonnés aux boissons de vin et d’eau de vie, ils meurent en grand nombre »[2]. Et maintenant, c’est la première maladie contagieuse que l’histoire enregistre. Elle règne à Québec, et surtout aux Trois-Rivières quand les Hurons y arrivent pour la traite : « il y a eu quelque espèce d’épidémie cette année, dit la Relation… c’était une façon de rougeole, et une oppression d’estomac  ». Les Français n’en meurent pas. Les Hurons sont malades à l’arrivée ou ils contractent la maladie aux Trois-Rivières. Ils refusent tout d’abord d’amener des missionnaires et l’une des excuses qu’ils donnent est « leurs maladies ». Le voyage commence et le père de Brébeuf écrit :… « … Nos sauvages sont tous malades… Les peuples par où ils passent sont quasi tous malades, et meurent en grand nombre ». Les Algonquins éprouvent donc des pertes sensibles. Et les canots qui reviennent de la traite répandent l’épidémie dans la Huronie. Elle « a été si universelle

  1. RDJ, 1635-31.
  2. Idem, 1634-29 et 32.