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IROQUOISIE

qui courent en France à Carême prenant ». Ils n’ont pas épargné les couleurs, car ils reviennent triomphants d’une petite expédition de guerre contre les Iroquois. Ils ont capturé neuf prisonniers. Trois leur ont été abandonnés tandis que les Algonquins de Québec se réservaient les autres.

Les Français se rendent aux wigwams formés de trois larges et longues bandes d’écorce déroulées sur trois perches. L’une de ces cabanes est « longuette » trois feux y pétillent à une distance l’un de l’autre d’environ cinq ou six pieds. Chacun s’assit sur la terre couverte de branchettes de sapin. Les prisonniers iroquois entrent aussitôt. Ils s’assoient parmi les autres Indiens. Le plus âgé a soixante ans, le second trente, le dernier est un adolescent d’une quinzaine d’années. Ils commencent à chanter, comme le veut la coutume ; le chant est monotone, il est coupé de mots toujours les mêmes. Puis ils dansent et chantent en même temps, allant d’un bout à l’autre de la hutte, frappant le sol des pieds. Les Montagnais battent des mains, ou se battent les cuisses des mains, criant en mesure : « Ah-ha, A-ha, A-ha ». Quand les prisonniers s’arrêtent, ils crient : « O-ho, O-ho, O-ho ». Ancien comme les tribus, le rite de la mort se déroule en face de l’immense fleuve. Quand les Iroquois doivent-ils mourir ? demande Émery de Caën. Demain, lui est-il répondu.

Le père Le Jeune revient un peu plus tard. Les trois pieux sont plantés. Demain, les Montagnais y attacheront leurs ennemis et la torture fouillera jusqu’au tréfonds de leur chair. Les ongles sont déjà arrachés ; une profonde morsure se marque sur un bras ; les dents ont sectionné une partie d’un doigt. Demain, avec le supplice, ce sera une bien autre histoire. « Si nous étions pris des Iroquois, peut-être nous en faudrait-il passer par là », note tout de suite le Jésuite avec prescience. Les femmes se signalent par leur cruauté raffinée. « Je serais touché, eussé-je le cœur de bronze ». Le père Le Jeune veut sauver les trois Iroquois ; Émery de Caën s’intéresse au sort de l’adolescent. Mais, ainsi le veut encore la coutume, leurs