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dans le nid d’aiglons, la colombe

Marie de l’Incarnation. N’en retrouve-t-elle pas l’intensité dans Marguerite Bourgeoys qui, en 1698, choisira le nom de sœur du Saint-Sacrement ? Jeanne Le Ber exprimera d’abord ses sentiments authentiques sous des formes archaïques : ses prosternations au moment de l’Élévation et de la Communion. Mais en 1695, elle les manifeste dans la réalisation d’un rêve qui mêle la grâce et la gravité. C’est sous les regards mêmes du Christ enfant, jeune homme, présent dans l’Hostie qu’elle veut vivre toutes ses minutes. Elle aspire à la proximité la plus parfaite. Pleine de hardiesse, elle se rapproche autant qu’elle le peut : la nuit, une mince cloison la sépare de Lui. Il est Celui qui l’a appelée par son nom. Il est pour elle une présence. Ses historiens nous décriront son comportement dans sa cellule. Elle n’oubliera pas qu’Il est là et ne mangera qu’à genoux, ou « à terre », toujours tournée vers Lui ; ne passant jamais devant Lui sans les actes appropriés, une génuflexion. Tout son travail manuel sera centré sur Lui. Elle ne lèvera même pas ses yeux sur sa fenêtre et les spectacles du dehors. Jamais elle ne paraît rassasiée d’une intimité qu’elle veut aussi totale que le permet une condition humaine. Les assistants parleront de la révérence avec laquelle elle communie.

Son adoration est dynamique. Aussitôt qu’elle a pourvu la chapelle d’un « très beau Tabernacle, un Ciboire, un Calice et un Soleil de Vermeil, des Burettes avec leur plateau, une Lampe, un Encensoir avec sa Navette, » tous objets d’argent et artistement travaillés, elle songe à enrôler les Filles de Notre-Dame dans ce culte primordial. Elle conçoit pour elles un plan qui porte sa marque. Celles-ci sont déjà surmenées. Elles enseignent, mais gratuitement ; elles doivent exécuter maints ouvrages pour gagner leur subsistance ; elles travaillent avec un tel zèle qu’elles