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le charisme
d’aiman qui lavoit ainsi séparée de toutes choses. Elle ouvrit sa fenestre par où elle recevoit la s/te communion et se prosternant et regardant lautel : voilà lui dit-elle ma pierre d’aiman, cest notre seigneur qui est véritablement et réellement dans le très s/t sacrement, luy parlant de cet auguste mistère avec tant de zèle et de ferveur quil en parut surpris. Et lon a sceu quétant retourné dans son pays, il en parlait souvent comme dune chose qui luy avoit fait grande impression, nayant disoit-il, rien vu dans le pays de plus extraordinaire ».

Cette fois, dans sa loquacité, sa fougue et son habileté à s’exprimer, Jeanne Le Ber avait trahi le secret de son âme. Par une expression, juste deux mots, que l’on n’invente pas, et qui révèlent le charisme : « pierre d’aiman ». Tous les historiens les ont détachés pour en goûter la signification. La recluse subissait une attraction. Elle était comme traînée dans les voies de la perfection la plus haute. Naturellement, parce qu’elle y consentait de toute son âme ; on n’a pas souvent d’expression plus heureuse pour exprimer le Dieu qui se dévoile et qui se cache pour exercer une traction sur certaines personnes ; pour que soient évoqués quelques-uns des plus beaux versets du Cantique des Cantiques. On ne peut fournir aucune date précise pour le phénomène. Fut-il subit, fut-il graduel, fut-il persistant ? On ne sait pas.

On en trouverait une preuve indirecte dans le fait que Jeanne Le Ber ait passé par une longue période de réclusion sans rien perdre de sa lucidité. Une telle vocation de solitaire, si elle n’est pas authentique, peut entraîner des déséquilibres graves. Thomas Merton donne des indications sur ce point : « Car la solitude de la Chartreuse, dit-il, aura toujours un effet