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sous l’aile de la congrégation

mince, de constitution assez fréle, comme les historiens le dirent souvent. Elle portait une robe gris blanc, une ceinture de cuir noir, une coiffe blanche qui lui retombait sur les épaules. Elle était au bras de son père. Elle marcha à la suite des prêtres. Une procession se forma. On chantait des cantiques. Des scènes pareilles se relèvent dans l’histoire. Le trajet n’était pas long. À la porte du sanctuaire, le père ému n’y peut tenir ; il quitte le cortège ; il ne pourrait, sans sangloter, voir sa fille s’emprisonner loin de lui, à jamais. Les autres parents persévèrent.

Qui entre ainsi dans le sanctuaire ? Qui passe entre les filles de la Congrégation et les Hospitalières ? Qui va s’agenouiller devant l’autel ? Jeanne Le Ber, une recluse ? Sans doute. Mais aussi la contemplative, la solitaire, la silencieuse, celle qui vit l’état le plus saint et le plus élevé dans l’Église ; celle qui s’est vouée à la vie érémitique pure. Voici la reine qui porte un diadème sur la tête et un sceptre à la main. Les dissertations des théologiens lui tissent une dalmatique d’or. Bien peu de personnes pénètrent le sens profond de l’événement.

Et moins que les autres peut-être, la recluse elle-même qui, humble, attend, agenouillée. M. Dollier de Casson s’acquitte de ses fonctions comme il l’écrira dans un acte officiel :

« Je bénis une petite chambre avec son entrée et son petit grenier… le tout derrière l’autel de la chapelle… ». Il revient au chœur. « Je fis une briève Exhortation quelle Ecouta à deux genous ». Il rappelle sans doute les illustres exemples que Jeanne suit et lui souhaite la même persévérance. « Après laquelle je la conduisis à son susdit apartement dans lequel elle se renferma dabord et y persévéra vivante ». L’assistance chantait les litanies de la Sainte Vierge.